samedi 21 décembre 2013

Le régime diabétique en EHPAD



Traiter ou bien traiter ?


Je me pose souvent la question sur l'intérêt de soumettre les personnes âgées diabétiques au régime pauvre en glucides. D’autant plus quand ces personnes souffrent déjà de multiples pathologies entravant tant leur autonomie et qualité de vie, qu’elles se retrouvent à n’avoir d’autre choix que de terminer leurs jours en maison de retraite médicalisée (EHPAD).

Imaginez-vous  - même si personne n’a envie d’imaginez cela -  vieillissant, à moitié sourd et aveugle, enfermé dans un corps  raide et douloureux, des fonctions cognitives ne vous permettant plus de grandes distractions. Imaginez-vous avoir besoin d’aide pour vous laver, vous changer, manger… Je vous entends déjà vous écrier : « j’espère mourir avant d’en arriver là ! »

Aujourd’hui, vous n’avez pas encore ce choix sur votre propre vie.  Vous ferez peut-être partie des « chanceux » nonagénaires, voire centenaires, maintenus en état de vie (cœur qui bat, cerveau plus ou moins irrigué) grâce à de savants cocktails palliant vos insuffisances veineuses, cardiaque, respiratoire et rénale, votre anémie, votre hypertension… Cocktail explosif professionnellement pilé et mélangé dans votre yaourt … sans sucre le yaourt, il ne faudrait pas aggraver le diabète ! 
Votre vie sera rythmée par l’instillation de collyres préservant le dixième de vue qu’il vous restera et la pose d’un patch qui vous permettra dans l’obscurité de ne pas oublier trop vite si nous sommes le matin ou la nuit. D’avoir encore un soupçon de lucidité sur votre condition.

Je noircis un peu le tableau, certains n’accumulent pas toutes ces complications liées à l’âge, mais d’autres si.

Chez les personnes très âgées, le goût et donc l’appétit diminuent aussi petit à petit. La seule saveur qui reste bien présente c’est le sucré. Le seul plaisir qui leur reste parfois c’est une bonne part de gâteau.

Alors quand Arlette, diabétique, Alzheimer et insuffisante cardiaque, coincée en unité protégée, hurlant du matin au soir « laissez-moi mourir ! » dans l’indifférence totale tant le tableau est devenu tristement banale, pleure pour avoir comme tous ses compagnons de fortune,  un morceau de fondant au chocolat au dessert que la sacro-sainte prescription médicale ne lui autorise pas, c’est sans scrupule que je commets une grave faute professionnelle : je lui en tends une belle part. 

mercredi 18 décembre 2013

Nous avons tous un don ...



Je voudrais vous parler de quelque chose qui me tient à coeur : le don d'organe entre vivants.
Nous avons tous largement été informés sur le don d'organes et notre carte de donneur est, bien entendu, soigneusement rangée dans notre portefeuille.
Mais que savez-vous du don d'organes entre vivants ?
L'Agence de la biomédecine a lancé en Octobre 2013 une campagne d'information sur le don et la greffe rénale à partir d'un donneur vivant : Un don en moi.
Cette campagne à destination des professionnels de santé, des patients, de leur entourage mais aussi du grand public, a pour objectif d'informer largement sur l'existence de cette possibilité thérapeutique et ses excellents résultats.
Malheureusement, aujourd'hui encore la greffe de rein à partir de donneur vivant reste insuffisamment pratiquée.
Peur ? Manque d'information ?
Des diagnostics dont résultent des chiffres qui laissent songeur. En effet, en 2012, parmi les 13 329 personnes qui étaient en attente d'une greffe rénale, seuls 3044 ont été greffés dont 357 à partir de donneur vivant.
357 d'entre eux ont eu la chance de recourir à ce procédé qui amenuise grandement le risque de complications comme le rejet de greffon, complication la plus grave. C'est peu. Trop Peu... Les plus de 10 000 autres personnes ont attendu, l'espoir d'une vie meilleure, pour certains d'entre-eux d'une vie tout court. Espoir s'effaçant peu à peu alors que le rythme des dialyses s'accélèrent. Certains attendront en vain...
Pourtant parfois, et c'est ce qui est le plus rageant, la solution était toute proche : un père, une soeur, un époux... 
J'ai un ami qui a bénéficié d'un don de rein entre vivants. Il avait une malformation génétique. Il s'est battu jusqu'à ses 30 ans, de décompensations en hospitalisations. Il était sur liste d'attente. Une liste d'attente insupportablement longue quand on est dans l'urgence. Un jour, c'était en Novembre 2011, il m'a dit qu'on ne lui donnait plus que quelques mois à vivre. Son père, qui était compatible, lui a fait le plus beau des cadeaux : il lui a redonné la vie. Pourquoi ne l'a t-il pas fait plus tôt ? tout simplement parce qu'il ne savait pas cette solution envisageable. 
Le grand public mais aussi les malades connaissent encore trop peu cette possibilité thérapeutique. Or, le don de rein du vivant est une démarche qui nécessite une réflexion de la part du patient et de son entourage. Il est donc important d'être informé assez tôt de cette possibilité, bien avant le stade terminal de l'insuffisance rénale. Cette information donnée précocement, permet, au donneur comme au receveur de mûrir progressivement leur décision. C'est dans ce but, que l'Agence de la biomédecine a lancé cette campagne, un don en Moi. Je diffuse l'information, n'hésitez pas à en faire autant. Chaque professionnel de santé a un rôle à jouer.
L'Agence de la biomédecine, agence d'Etat placée sous tutelle du ministère de la Santé et créée par la loi de bioéthique de 2004, exerce ses missions dans les domaines du prélèvement et de la greffe d'organes, de tissus et de cellules, ainsi que de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine. Elle gère notamment la liste nationale des malades en attente de greffe, coordonne le prélèvement d'organes, la répartition et l'attribution des greffons en France tout veillant au respect des critères médicaux et des principes de justice.

Voici une vidéo sur le sujet :
Vous, connaissiez-vous l'existence du don d'organe entre vivants ? Aviez-vous déjà entendu parler de l'agence Biomédecine ?
Tous vos témoignages sont les bienvenus
Pour en savoir plus, vous pouvez vous-rendre sur les liens ci-dessous :
- les informations principales sur le don de rein de son vivant : 
° http://WWW.dondorganes.fr/018-pour-quels-malades-et-quels-benefices
° http://www.dondorganes.fr/019-qui-peut-donner-de-son-vivant
° http://www.dondorganes.fr/020-quelles-consequences-pour-le-donneur
- Des vidéos de témoignages :
° http://www.dondorganes.fr/165-mari-et-femme
- Des questions/réponses
° http://www.dondorganes.fr/186-questions-et-reponses-a-ecouter
° http://www.dondorganes.fr/197-questions-et-reponse-a-regarder

jeudi 5 décembre 2013

Psychosexologie et géométrie variable

Qui a la plus grosse ?




J'aime les reportages animaliers. J'ai appris à les aimer comme tout infirmier travaillant en horaires décalés.

Il y a quelque chose de passionnant à constater que, quelque soit l'espèce animale, à de rares exceptions près, tout est toujours question de territoire et de sexe.

Les mâles se battent pour monter les femelles, tout le monde défend farouchement sa part de territoire. Certains défendent leur territoire, et donc leur pouvoir, en utilisant le sexe. Les fins connaisseurs d'hippopotames comprendront.

L'homme ne déroge pas à cette règle.

Enfant il joue à qui pisse le plus loin.

Pré-ado il s'exerce en géométrie en mesurant circonférence et longueur de son engin (nous les femmes n'avons pas du attendre le rapport PISA pour savoir que les français étaient nuls en maths).

Ado, il se vante du nombre de ses conquêtes, pendant qu'elle apprivoise la division ( re cf rapport PISA ).

Adulte, notre espèce commence à se plier à certains codes de la société, le surmoi prends le dessus.
Frustré de ne pouvoir vanter la démesure et omnipotence de son troisième membre, l'homme  va alors se réfugier dans les symboles phalliques : couteaux, cigares, cravates. La mode des cravates courtes n'a, sans surprise, jamais fait long feu.

Chez les personnes âgées, cette obsession reste présente.
Nous pouvons assister régulièrement à des "batailles" de canes aussi captivantes que les duels d'épée d'antan.

Un jour alors que l'un de mes patients en menaçait un autre qui se trouvait sur son passage en brandissant sa cane, c'est tout naturellement que ce dernier a répondu :
"Vous ne me faites pas peur avec votre cane. Je vais vous montrer la mienne, elle est encore plus grosse que la votre !

Moralité : celui qui a dit que l'homme se regardait le nombril n'avait pas le compas dans l'oeil. Peut-être n'avait-il pas étudié la géométrie avec le bon matériel ?

jeudi 14 novembre 2013

À la recherche du gant perdu





Je ne vous apprends rien, c'est la crise !

Plus d'embauche dans le secteur de la santé, un nombre d'infirmiers au chômage bien gardé secret des plus hautes sphères tant le manque de personnel sur le terrain est criant. Imaginez-vous le scandale si l'abominable vérité éclatait au grands jour ?

Une logique financière froide, dangereuse et implacable qui pousse nos grands pontes à couper dans la masse salariale. Des cliniques et maisons de retraite tenues par les mains "propres" des actionnaires pour qui un patient, un résident, un Etre Humain avant tout, ne l'oublions pas, représente une courbe sur un graphique.

Une logique financière qui préfère investir 340 000 Euros dans trois œuvres d'Art plutôt que dans le personnel. C'est pour le confort des patients vous argumenteront-ils.

Mensonge !

C'est pour vous, vous qui êtes extérieurs au monde du soin, vous faire croire que tout va bien. Une décoration chic et soignée. La vitrine est belle, elle inspire confiance. Entrez, entrez donc chers clients, ici nous sommes au top comme notre façade vous l'insinue. Soyez rassurées chères familles nous chouchoutons vos proches.

La vérité je vous la dis et non sans risque, car là où certains y verront de la résistance, d'autre y verront de la trahison, de la calomnie. La vérité est que si on avait réellement pensé au confort des patients, on aurait par exemple investi ce budget dans l'embauche d'un art-thérapeute.

Ceci aurait permis entre autre de :
- permettre aux patients de décharger leurs angoisses à travers l'Art. C'est la sublimation.
- combattre l'ennui des patients, le temps à l'hôpital pour eux défile très lentement.
- leur redonner confiance en eux, augmenter leur estime d'eux-même à une période de leur vie où ils sont le plus vulnérable.
- Décorer ces fameux murs blancs avec des œuvres qui parlent à ceux qui les arpentent.

Mais je n'y connais rien, je n'ai pas à m'occuper de ça, ce sont des histoires de grands et ce n'est certainement pas la même enveloppe... À bon entendeur.

En attendant je me mêle de mes fesses gants. Mes gants qui me permettent de me protéger et de protéger mes patients quand je fais des soins. Mes gants dont le prix est certainement plus élevé que ces œuvres tant il devient difficile de mettre la main sur eux. Le comble pour un gant ! À l'heure où je n'ai que quatre minutes par jour, transmissions comprises, à consacrer à chaque personne dont on me demande de prendre soin, je perds de longues secondes et me retrouve obligée de couper dans mon temps de soins à la recherche du gant perdu ...

vendredi 25 octobre 2013

Il faut se rendre à l'évidence...Le metier d'infirmier n'existe plus





Il faut se rendre à l'évidence : notre métier n'existe plus.

Lors de ma courte carrière (qui n'est pas encore terminée) j'ai eu la chance de travailler dans de nombreux endroits, je n'y ai trouvé que de l'herbe jaune.
Une étudiante m'a écrit en commentaire : j'ai peur d'être trop soignante pour survivre aux soignants. De son regard encore frais d'étudiante les soignants sont inhumains.

Ça m'a touché. On s'est tous juré quand on était étudiant de ne pas devenir comme "ça". Ce dont on ne pouvait pas se douter alors, c'était que la plus grande difficulté en tant qu'infirmière ne serait pas de survivre aux autres soignants mais de survivre à nous même. Garder les valeurs, la flamme qui nous ont poussées à choisir cette profession. Ne pas réécrire une pathétique copie contemporaine d'un mélange entre La bête humaine et L'assommoir.

Aujourd'hui notre métier n'existe plus. Nous sommes des ouvriers. Des ouvriers très bon marché les Dimanche et jours fériés. Des ouvriers pour qui les conditions de travail sont telles, que dans certains services, les accidents du travail sont plus élevés que dans le BTP.

On nous parle de care, de cure, d'humanitude et de bientraitance. Que de propos ronflants que seuls ceux qui n'auront jamais les sabots trempés d'urines, la blouse tachée de sang et à 30 ans le dos d'un vieillard de 90 ans peuvent encore oser prononcer.
Que de concepts pompeux sur lesquels, devenue abattue et abêtie par ce système de soins de plus en plus monstrueux, je n'ai plus la force de philosopher et dans un râle désespéré je ne trouve qu'à répondre : fuck off ! Permettez-moi l'expression.

Un vieil homme très célèbre décédé maintenant nous a laissé un message : indignez-vous !

L'indignation à ce jour est la seule arme qu'il me reste et qui me prouve que, à défaut d'humanitude bien trop chronophage, il subsiste chez moi une once d'humanité.

dimanche 17 février 2013

Ma lettre de motivation aux offres d'emplois indécentes





Marie-Bénédicte Bellange
12 impasse des pigeons
81220 Sainte Anne sur Tarn

Madame, Monsieur,

Actuellement à la recherche d'un poste infirmier votre annonce a particulièrement retenu mon attention.

En effet, je retrouve dans les valeurs de votre structure ce qui m'a poussé à exercer cette profession, pour ne pas dire cette passion : la vocation, le don de soi, le sacerdoce.

Ces qualités traditionnelles indispensables à toute infirmière se perdent, hélas, de nos jours. À une époque où les gens deviennent de plus en plus exigeants quant aux conditions de travail, je n'ai pu qu'en constater les dommages collatéraux : une désacralisation de notre beau métier, la perte de la notion de sacrifice du soignant pour le patient.

Soyez sûrs, Madame, Monsieur, que je ne fais point partie de ces personnes, Dieu m'en préserve. Mon dévouement à ma profession n'a d'égal que mon abnégation face à la hiérarchie.

Je ne suis pas devenue infirmière, je suis née infirmière. J'ai eu la révélation de cet état de fait lors d'un pèlerinage à Lourdes en Août 2001. J'ai depuis lors la mission personnelle de faire renaître et rayonner les vraies valeurs de notre profession auprès des patients comme auprès des soignants. C'est pour ces raisons que je pense avoir le profil correspondant à ce que vous recherchez.

Je saurai également me rendre hautement disponible, mon lieu d'habitation se trouvant à deux pas de votre EHPAD et n'ayant que peu voire proue d'obligations personnelles.
Il va sans dire que je ne sous-entends pas par là m'enrichir par des heures supplémentaires, c'est de bon cœur que je viendrai en aide à mon équipe, son sourire et sa gratitude valant tout l'or du Monde.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

Marie-Bénédicte Bellange.


Un concours, trois ans et plus d'études, un mémoire, des rythmes variables et décalés, travailler de nuit, les week-end, les fériés, des risques pour la santé élevés, une forte exposition aux agressions, fréquenter quotidiennement la douleur et la mort, une responsabilité pénale et civile engagée à chaque acte, pas le temps de manger, pas le temps de boire, pas le temps de pisser... Et tout ça pour le SMIC ? De qui se moque t-on ?
On a vraiment touché le fond.

Je vous invite à entrer en résistance, car il ne faut pas tout accepter, car accepter de tels salaires c'est dénigrer quelque part notre profession. Boycottez ce type d'annonce, ou mieux, envoyez leur de belles lettres de (dé)motivation afin d'affirmer haut et fort que le temps des nonnes à cornettes est bel et bien révolu.


jeudi 14 février 2013

Psychotypologie des recruteurs


Vous êtes passé maitre dans l’art de cerner les infirmières et les patients. Reste une catégorie de personnes, et pas la moindre, à analyser : les recruteurs en soins infirmiers.
Après la lecture de ce billet vous serez en mesure de savoir si vous pouvez signer un contrat d’embauche les yeux fermés où s’il vaut mieux prendre vos jambes à votre cou, quitte à repasser par la case pôle emploi.
Dans un ordre absolument arbitraire, nous avons :
-          Le pressé : la première question qu’il vous a posée au téléphone était la date à laquelle vous pouviez commencer. Lors de l’entretien, vous remarquez qu’il a écrit en gros au bic rouge cette date en haut au centre de votre CV et qu’il l’a surlignée trois fois en vert fluo. Méfiance ! L’infirmière à laquelle vous devez succéder n’en pouvait tellement plus qu’elle a posé sa démission du jour au lendemain, soldant ses congés payés sur son mois de préavis. L’ambiance du service étant tellement exécrable qu’elle n’a eu aucun scrupule à ne pas laisser à sa hiérarchie le temps de se retourner. Ce recruteur a juste besoin de deux mains pour faire tourner le service. Vos compétences, vos motivations, vos désirs d’évolution, c’est loin d’être son problème. Il vous remplacera aussi vite dans 6 mois quand vous vous serez tué à la tache à votre tour.
Mon conseil : fuyez

-          Le marchand : chez lui c’est les soldes toute l’année, le prix affiché n’est jamais le prix vendu. Génial ! Si ce n’est que cette fois la marchandise c’est vous ! Vous postulez pour une offre d’emploi avec un salaire débutant à 2200 brut mais très vite au cours de l’entretien, la rémunération semble suivre le cours de la bourse et 2200 se transforme en 1800… Primes, week-end et jours fériés inclus. Méfiance ! Ce recruteur n’a non seulement aucun scrupule à vous faire perdre votre temps mais en plus il vous prend d’emblée pour une idiote. Il vous fera miroiter tout un tas de trucs que vous n’obtiendrez jamais.
Mon conseil : fuyez

-          Le flatteur : Même dans ses rêves les plus fous il n’osait imaginer recevoir une candidature comme la votre. Votre approche de l’art infirmier et votre philosophie soignante sont très intéressantes et méritent d’être mises en valeur. Il a de grands projets pour vous et votre carrière dont il voudra rediscuter dans quelques mois, après votre période d’essai. Méfiance ! Trop de flatteries n’augurent jamais rien de bon. Ce recruteur vous fera accepter tout et n’importe quoi en vous passant de la pommade, pour une fois que quelqu’un vous adule autant vous ne voudriez pas baisser dans son estime. Mais quoi que vous fassiez, ce recruteur opèrera un virage à 90° dans son comportement envers vous et deviendra exécrable. Vous, ne comprenant plus ce désamour soudain, vous retrouverez à travailler d’arrache pieds avec une estime de vous-même au niveau de la mer.
Mon conseil : fuyez

-          Le commercial : Par la magie de la réorganisation du système de santé, ce diplômé d’une école de commerce à 30 000 euros l’année se retrouve à la tête de la direction des ressources humaines d’un hôpital. Entre vous et lui c’est un dialogue de sourds pour ne pas dire de fous. Vous pensez qualité des soins, il pense rendement. Lors de l’entretien il vous pose des questions très générales sur votre profession : les transmissions, la gestion des conflits d’équipe. Dés que les termes que vous employez sont un peu techniques, il perd le fil et, gonflé d’orgueil par un formatage l’ayant convaincu qu’il faisait partie des élites de la France, insinue que vous vous exprimez mal. Méfiance ! Ce recruteur ne connait absolument pas vos compétences et a en tête l’image de l’infirmière un brin neuneu, dévouée aux patients et espérant pour seule rémunération une place au Paradis. L’organisation de ses services est une véritable catastrophe car il ne touche même pas du bout du doigt la réalité du terrain.
Mon conseil : Fuyez

-          Le menteur : Il sévit dans la fonction publique hospitalière. Le menteur est tout sourire, vous embauche au 4ème échelon en tant que débutante dans le service que vous souhaitez, il vous promet que vous pouvez faire quelques heures supplémentaires pour boucler vos fins de mois. Méfiance ! Ce que ne vous dit pas le menteur, c’est que sitôt titularisée, vous retomberez au premier échelon. Le service que vous convoitez n’a comme par hasard pas de poste disponible pour le moment mais promis, après trois mois en long séjour gériatrique vous y travaillerez. Trois mois…ou cinq ans, tout le monde n’a pas la même notion du temps. Les heures supplémentaires seront placées sur un compte épargne temps que peut-être un jour vous pourrez utiliser si les conditions de service le permettent et si vous n’êtes pas mort avant.
Mon Conseil : fuyez

Après avoir fait face au pressé, au marchand, au flatteur, au commercial et au menteur, vous voilà bien dépourvu dans votre recherche d’emploi, désespérant de travailler pour quelqu’un de respectueux et honnête. Ne vous découragez pas, reste une dernière catégorie de recruteur, ma préférée :

-          Le franc du collier : C’est aussi un passionné, l’ambiance dans son équipe lui tient à cœur et il se pliera en quatre pour faire en sorte que tout se passe au mieux. Le franc du collier aura une technique d’approche quelque peu déconcertante : il mettra en avant toutes les difficultés à travailler pour lui. Avec lui pas de mauvaise surprise et vous pouvez au moins être sûre qu’il connait votre profession, ses contraintes, ses risques et ses subtilités.
Mon conseil : signez
(Pas de chance pour moi ce type de recruteur travaille souvent en cancérologie).

samedi 9 février 2013

Suis-je une machine ?





Il y a 10 ans, quelque part dans l'hémisphère Sud.

4h45, réveil au clairon comme six jours par semaine.
15 minutes pour enfiler ma tenue de travail : pantalon, chaussures fermées et manches longues obligatoires.

Dehors les perroquets commencent à chanter.

L'odeur des œufs, haricots et bacon me titille les narines. Devant la cantine, 200 corps meurtris, courbaturés, parfois blessés attendent avec impatience le premier repas de la journée .

Contrôle d'entrée pour tout le monde, interdiction d'être sale.

Je suis dans un vaste camp de travail, je cueille des pêches toute la journée.

5h30, on rejoint la camionnette correspondant à notre numéro de "gang" comme ils disent. 10 minutes de trajet, 10 minutes de répit. On nous emmène au milieu de nulle part, des centaines de pêchers plantés en ligne.
Chapeau, gants, talc, échelle, sac, c'est parti. Il n'est pas encore 6h00, bientôt la chaleur deviendra écrasante , jusqu'à 40 degrés. Il faut faire vite.

Je suis payée au quintal. Je cueille 2,5 à 3 tonnes les bons jours.

À travers champ je porte mon immense échelle, 20 kilos à bout de bras. Cherche un bout de sol à peu près plat pour être stable. Je cueille les pêches à une allure vertigineuse. On m'appelle la machine. Quand le sac commence à être trop lourd, 30 à 40 kilos, je descends de l'échelle et déverse les pêches dans un bac. Parfois le poids me déstabilise et me fait tomber. Ce n'est pas un travail de fille me répète t-on. Qu'est ce qu'un travail de fille ? Par esprit de contradiction je n'abandonne pas.

11h30, pause déjeuné.
30 minutes de répit à l'ombre d'un arbre. Deux sandwich, un soda. Certains carburent au redbull. Malheureusement j'ai horreur de ça.

L'après-midi ressemble au matin, mais l'énergie n'y est plus. Toujours rester vigilante, une morsure de serpent est vite arrivée dans cette région .

15h45, la camionnette vient nous chercher. On s'y traîne, épuisé. 10 minutes de sieste intense jusqu'au retour au camp. Douche. Re-sieste.

17h00: dîner. Nouveau contrôle d'entrée, tout le monde doit être propre et changé.

18h00, c'est l'heure de décompresser. Guitare, djembé, didjeridoo, vin bon marché en cubis, jeux de carte. Rien de trop intellectuel surtout, il faut savoir s'assommer pour travailler comme des bêtes. De belles rencontres. De bons souvenirs.

22h00 extinction des feux. Verifier l'absence d'araignées potentiellement mortelles dans sa cellule. Dans le camp la coqueluche fait des ravages. Des quintes de toux m'empêchent de fermer l'oeil, je vomis de la poussière de pêche.

Après 3 mois dans mon camp et 20 000 dollars en plus sur mon compte en banque, c'est avec nostalgie et des bras de camionneur que je m'en vais sans savoir ce que me réserve le futur.



Dix ans plus tard.

4h45, le réveil de mon portable me sort du lit. Je saute sous la douche 15 minutes, cherche à tâtons des vêtements dans mon armoire. Je n'allume pas la lumière pour ne pas réveiller tout le monde.

Très vite l'appel du café se fait sentir, je comate dans ma cuisine en lisant sur mon androïd les nouvelles du jours. Je peste, que des conneries.

Dehors, j'entends déjà le chant des camions poubelles.

5h45 je rejoins le premier métro qui me mènera jusqu'à un grand CHU. 30 minutes de stress. Incident technique ? Voyageur malade ? Colis suspect ? Je suis obligée de partir bien en avance pour faire face aux habituelles embûches des transports en commun.

6h20 : vestiaire. J'enfile ma tenue de travail, pantalon, chaussures fermées et manches courtes obligatoires. Je prends celle qui a le moins de tâches de bétadine. Obligation d'être propre. Stylo, ciseau, pince à clamper et c'est parti.
Je travaille à l'hôpital, je suis payée au mois. J'ai entre 20 et 15 patients les bons jours.

6h30, je rejoins mon équipe, courbaturée, meurtrie, souvent blessée.. Comme mes patients.
Transmissions. La journée s'annonce dure, il va falloir faire vite. Bientôt je serai sans cesse interrompue par les visites, les sonnettes et le téléphone. Ça va être chaud.

7h00 je commence ma tournée. Je frappe à la porte, je cahette, je tensionne, je pique, je toilette, je mobilise, je transmets...Je frappe à la porte, je cahette, je tensionne, je pique, je toilette, je mobilise, je transmets...Je frappe à la porte, je cahette, je tensionne, je pique, je toilette, je mobilise, je transmets...j'enchaîne les soins à une allure indécente. Je suis une vraie machine. Parfois un patient me déstabilise et me fait perdre du temps. On me dit que je fais un travail de fille. Devrais-je abandonner ?

10h00: "petit-déjeuné" sur le pouce, dans la salle de pause, à la lueur des néons. Un bout de pain sec, parfois il reste du beurre et un café. Certains carburent au Lexomyl. Malheureusement j'ai horreur de ça.

La matinée n'est pas terminée, l'énergie n'y est plus. Il faut rester vigilante à l'erreur si vite arrivée et dont le venin de la culpabilité vous empoisonnera jusqu'à la fin de votre vie.

13h30, la relève commence à arriver.

14h00 : Retour à domicile, épuisée. Je me traîne jusqu'à ma station. 30 minutes de métro, 30 minutes à ressasser. Ai-je oublié quelque chose ? Ai-je bien fait de faire comme ça ?

15h00 : douche et sieste.

16h00: la vie reprend son cours. Ménage, courses, paperasse, repas. Peu de temps pour décompresser. Un peu de télé. Rien de trop intellectuel surtout, pour travailler comme une bête il faut savoir s'assommer.

22h30 extinction des feux. Chez les soignants les lombalgies font des ravages. Les douleurs au dos m'empêchent de m'endormir. Parfois je repense à tous ces visages croisés il y a 10 ans. Que sont-ils devenus eux ? Sont-ils heureux ? Quel chemin ont-ils pris ? Ai-je pris le bon ?

Après 3 mois et -300 euros sur mon compte en banque, je quitte sans nostalgie et avec des bras de camionneur cet hôpital en espérant un futur meilleur.

jeudi 7 février 2013

Douce France

Ce pays où l'euthanasie est interdite


Il existe un pays où l’euthanasie est interdite. Peur des dérives d’une part, influence d’une morale judéo-chrétienne d’autre part.
Il existe un pays où l’on a peur de prendre des décisions qui fâchent. Peur de prendre des responsabilités d’une part, influence d’un système économique contrôlé par une petite poignée bercée par la morale judéo-chrétienne d’autre part.
Il existe un pays laïc.

Il existe un pays où les soins palliatifs sont l’alternative à l’euthanasie.
Il existe un pays où faute de moyens financiers investis, seules quelques personnes ont accès aux soins palliatifs.
Il existe un pays où le traitement de la douleur est une obligation légale.
Il existe un pays plein de paradoxes.

Il existe un pays où les laboratoires de proximités vont fermer.
Il existe un pays où l’on pense retirer le permis de conduire aux personnes âgées.
Il existe un pays où les taxis ne seront plus remboursés comme transports médicalisés.
Il existe un pays où une autre alternative à l’euthanasie est en train d’être trouvée…

Il existe un pays où quelques indignés résistent.
Il existe un pays où  certains sont trop sensibles pour rester passifs face à la souffrance.
Il existe un pays où certains tirent la sonnette d’alarme.

Il existe un pays où certains n’ont pas oublié que la non assistance à personne en danger relève de la responsabilité pénale.

jeudi 31 janvier 2013

Bienvenue à l'usine de soins


Ne bougez pas, un robot va s'occuper de vous


Dans cette vidéo, une intervention on ne peut plus intéressante de Marisol Touraine (MST)


Je ne peux que rebondir sur les propos tenus par ma biquette émissaire du moment .

Passons déjà sur le point où elle insinue que les soignants ne sont pas organisés, ce flagrant délit de mauvaise foie pour expliquer les problèmes actuels de l'hôpital ne vaut vraiment pas la peine qu'on s'abaisse à le commenter.

Non, le point qui m'a fait trépigner de colère comme une gamine à qui on refuse un jouet, c'est cette petite phrase, glissée l'air de rien : on peut affecter quelqu'un pour faire les sorties de patients et décharger les infirmières de ça.

Je respire un grand coup...

Et puis non : mais qu'est ce que c'est que cette idée de chiotte nom d'une pipe en bois d'olivier ?!!!

Encore une fois notre Ministre nous prouve qu'elle ne comprend pas le dixième de notre profession, qu'elle nous voit comme de simples exécutants.

Qui pour lui expliquer que quand un patient rentre à domicile, il ne suffit pas de lui tamponner un bout de papier et enroulé c'est pesé (et encaissé surtout) ?

Qui pour lui expliquer que ce retour peut être source d'angoisse pour certain ? Que notre rôle est de comprendre pourquoi et d'apaiser ces angoisses.

Qui pour lui expliquer qu'il faut "éduquer" le patient avant qu'il ne se retrouve livré à lui même avec une liste de traitements qui peuvent générer des effets secondaires plus ou moins gênants ?

Qui pour lui expliquer qu'il faut apprendre au patient à reconnaître certains signes d'alertes de l'apparition d'une phlébite ou d'une embolie pulmonaire ?

Qui pour lui expliquer qu'il faut un minimum connaître son patient, son mode de vie, son hospitalisation, pour faire tout ça correctement ?

Qui ?

Et surtout, vers quel type d'organisation allons nous ?

Aujourd'hui on parle de quelqu'un dédié aux sorties. Demain on ajoutera quelqu'un dédié aux entrées , puis une autre personne aux traitements, une aux tensions, une aux prises de sang. Quand on ne sera pas sage on nous enverra aux coprocultures ou recueils d'urines.
Il va sans dire qu'on aura tout bonnement oublié de désigner quelqu'un à la relation d'aide ou à l'éducation thérapeutique. D'ailleurs qu'est-ce donc ça ?

Ce mode d'organisation ne porte qu'un nom : le travail à la chaîne.

Je m'imagine dans l'usine de soins du futur. On arrive au travail, on prend les 400 tensions à prendre du bâtiment et on repart. Parfois on se télescope avec l'infirmière qui fait les glycémies capillaires. D'autres fois il y a embouteillage dans la même chambre (c'est qu'on est toujours mal organisé), alors ça fou tout le timing en l'air, on fait baisser le rendement. Les infirmières qui posent les perfusions narguent les nulles qui ne prennent que les températures.

Les soignants avancent dans les longs couloirs et exécutent leurs tâches mécaniquement.
Parfois ils exécutent un patient. Vite ajoutez son numéro sur le planning du préposé aux mort !

Perso, ce jour, je postulerai dans une vraie usine...au moins les Dimanche y sont payés double.

Les Mondes parallèles



Nous, personnel soignant, avons une chance extraordinaire. Nous sommes une ressource cachée que personne ne pense à exploiter. Nous somme un indicateur d’humeur imparable, un observatoire sociologique hors paire (ouille mes chevilles !)
Nous avons ce pouvoir rare de voyager quotidiennement à travers des mondes parallèles.
A l’hôpital nous rencontrons des gens que nous n’aurions peut être jamais eu l’occasion de croiser à l’extérieur. A l’hôpital se regroupent des gens qui ne se croiseront jamais à l’extérieur.

L'hôpital, le microcosme accéssible d'une société trop vaste pour en inspecter tous les recoins.

Nous sommes constamment projetés d’un univers à un autre, d’une culture à l’autre, d’une personnalité à l’autre, et ce pour mon plus grand plaisir.
Du riche héritier au déshérité, de l’homme politique au SDF, du catholique à l’anarchiste, du voyou à la victime, du royaliste au communiste… Mon aiguille comme une perpendiculaire trace l’espace d’un instant un chemin entre ces mondes et le mien.
A travers mon kaléidoscope j’observe le monde qui m’entoure, le contraste de ses lignes et couleurs, la rugosité ou la douceur de ses matières. J’admire le tableau, c’est de l’art moderne. J’y repère les lignes discrètes qui relient entre eux les centaines d’éléments.
Caméléon le jour, je m’adapte au nouveau paysage que je découvre derrière chaque porte de chambre.
Le soir je me transforme en alchimiste. A l’heure des songes, les petits miroirs du kaléidoscope  se mélangent entre eux, formant un énorme bouillon de culture aux parfums de société.
Je sens les tendances, par déduction l’avenir devient une évidence : parfum de tristesse, parfum d’espoir…parfum de colère en ce moment. La révolte ne saurait tarder…


vendredi 25 janvier 2013

Quantifier le temps des soins : de la théorie à la réalité




Une des nombreuses causes du malaise soignant provient sans doute de cette tripotée d'administratifs, n'ayant aucune conscience des réalités du terrain et sur qui repose l'organisation de l'hôpital. Ces administratifs, le nez fourré dans des farandoles de chiffres vont déterminer entre autre le budget alloué aux embauches de personnel en tentant de quantifier le temps par acte de soins. C'est ainsi que l'on se retrouve dans des services surchargés en patients et sous-dotés en personnel.

Un petit aperçu ici de notre travail vu par les administratifs comparé à la réalité de la profession infirmière:

- La glycémie capillaire d'après un administratif :

L'infirmière prend son glucomètre, pique le doit du patient, analyse la goutte de sang.
Temps de l'acte : 2 minutes. C'est la théorie, froide et simple, dépourvue d'un facteur essentiel : l'humain.

- La glycémie capillaire dans la vraie vie :

Acte 1 : 15 minutes
Vous cherchez le glucomètre qui a encore disparu. Après avoir retourné tous les tiroirs du service en pestant, vous vous résignez à aller en mendier un chez Martine, l'infirmière de l'étage du dessus. Les négociations sont houleuses, plus difficiles que la demande d'un prêt immobilier sans apport et sans garants. Le glucomètre enfin obtenu, vous préparez votre petit plateau et vous rendez dans la chambre de Gertrude, 87 ans.

Acte 2 : 15 minutes
Gertrude est ravie. Elle s'apprêtait justement à "sonner" l'infirmière pour aller aux toilettes. Vous voilà donc à accompagner Gertrude et son attirail de perfusions. Par accompagner, entendez, soutenir tant bien que mal, un pas après l'autre, Gertrude, 103 kg, et tous ses dispositifs médicaux jusqu'à la salle de bain.

Acte 3 : 15 minutes : Gertrude a fini son affaire aux toilettes, vous l'avez installée au fauteuil. À la télé, Julien Lepers pose des questions. La pauvre Gertrude qui commence à trouver le temps long à l'hôpital, prise de mimétisme, vous en pose aussi. De plus en plus et de plus en plus personnelles. Professionnelle, vous vous lancez à pieds joints dans une relation d'aide et essayez d'orienter la conversation sur elle.

Acte 4 : 15 minutes
Vous vous mettez enfin à faire la glycémie de Gertrude qui a le réflexe de se frotter le bout du doigt aussitôt que vous l'avez piqué. Vous appuyez dessus pour ne pas avoir à repiquer la pauvre dame et tant bien que mal faites sortir une petite goutte de sang.
"0'90" vous vous exclamez, "c'est parfait".
Mais la Gertrude ne le voit pas de cet œil là, d'habitude elle est à 1,30. Elle craint l'hypoglycémie et insiste fortement pour que vous lui ameniez du sucre. Vous voilà bonne pour un semblant d'éducation thérapeutique pour dissuader votre patiente de s'empiffrer l'équivalent d'un magasin de bonbons.

Acte 5 : 15 minutes
Vous vous apprêtez à enfin sortir de la chambre et finir dare dare votre tour de 19h. Il est déjà 20h et vous n'avez vu que Gertrude. Vous vous apercevez alors que la perfusion ne passe plus. Après avoir essayé toutes les techniques non recommandées vous vous rendez à l'évidence : il va falloir reperfuser Gertrude. Et oui, il y a autant de veines sur les bras de Gertrude que d'aristocrates au Front de Gauche.

Acte 6 : 15 minutes
Vous sortez de la chambre, cette fois pour de bon. Vous croisez votre cadre qui vous attend de pied ferme un dossier à la main : "pourquoi vous n'avez pas fait l'inventaire des affaires du patient entré tout à l'heure ? L'image d'Omer Simpson étranglant son fils Bart vous traverse l'esprit. Au creux de votre estomac vous sentez votre ulcère s'agrandir.
Vous tournez la tête, cherchez une issue pour vous échapper et vous trouvez nez à nez avec Martine :"1h pour faire un dextro ! Ces jeunes ne savent vraiment plus travailler ! cantonne t-elle devant votre cadre.

Et c'est toujours comme ça. Et j'exagère à peine. Alors quand nos dirigeants s'aperçoivent qu'il y a des problèmes d'organisation manifestes dans les services, que font-ils ?

Cherchez bien....

Ils rognent encore sur le budget du personnel soignant pour embaucher encore plus d'administratifs !

À toutes les Gertrude qui méritent d'être soignées avec humanité/i>

samedi 19 janvier 2013

Des capotes en psychiatrie

La sexualité pour tous



Hier la cour d'appel administrative de Bordeaux a condamné un hôpital psychiatrique de Gironde pour avoir interdit à ses patients d'avoir des rapports sexuels.

Un événement qui n'est pas tombé dans les oreilles d'une sourde, m'étant heurtée moi-même il y a quelques années à tous les hôpitaux et cliniques psychiatriques de Paris, à l'exception d'un, alors que je faisais des recherches sur la prévention des infections sexuellement transmissibles en psychiatrie.

La sexualité en psychiatrie est un sujet tabou

Premier constat, la sexualité en secteur psychiatrique dérange. Il ne faut pas en parler, faire comme si elle n'existait pas. Seul un cadre de santé a accepté de me recevoir sur tout Paris pour interroger ses équipes à ce sujet. Vieux restes de pudibonderie de notre lourd passé de nonnes ? Fantasmes sur une sexualité débridé du "fou"? Infantilisation ?
La réponse la plus courante et la plus spontanée quand j'évoquais le sujet avec les infirmières était "que l'hôpital était fait pour se soigner et pas pour ça". Ce ça plein de pudeur parlait de lui même. La sexualité en psychiatrie est un sujet tabou.

Fermer les yeux plutôt que d'en parler.

Deuxième constat, fortes de cet argument , les équipes ne se sentaient pas alors spécialement concernées par ce sujet. L'hôpital n'est pas un lieu de vie me disaient t-elles. Pourtant, certains patients sont là depuis des mois, voire des années. Peut-on leur refuser ce besoin naturel ? Et quid de notre mission de santé publique ? En admettant que l'hôpital ne soit pas l'endroit où avoir des relations sexuelles, ne peut-on pas profiter du séjour d'un patient à la personnalité vulnérable pour faire de la prévention sur ce sujet ? Notre but n'est t-il pas de rendre notre patient autonome à son retour à domicile ?

Le rôle infirmier dans l'autonomie sexuelle des patients

on désigne par autonomie sexuelle le fait de savoir se protéger physiquement, savoir dire non, reconnaître ses désirs et ses limites. Nombres de pathologies mentales mettent à mal cette autonomie sexuelle. Pourtant cette dimension n'est que trop rarement (voire jamais ?) prise en compte dans le parcours de soins infirmiers. Résultat : on retrouve un taux d'infections sexuellement transmissibles, d'agressions sexuelles et de viols supérieur chez cette population que dans la population générale.

"Autoriser" les rapports sexuels en milieu psychiatrique, une question de responsabilité

Troisième constat : les infirmiers ont peur des dérives. Tous ont eu une mauvaise expérience en rapport avec la sexualité des patients. Un grand nombre relate des cas de prostitution en échange de cigarettes, des cas de rapports non consentis chez des patientes incapables de dire non, des cas de grossesses non désirées.
Les infirmiers semblent craindre de passer à côté de situations problématiques et d'en être tenus pour responsables.

Une obligation à la prévention pour un droit à la sexualité sans danger

Il ne me paraît pas correct d'interdire les rapports sexuels en psychiatrie. Comme l'a rappelé la cours administrative d'appel de Bordeaux, le droit à la sexualité fait partie intégrante de la convention européenne des Droits de l'homme.

Cependant, après mes recherches je pense que la question mériterait d'être un peu plus approfondie par les autorités de la santé. Condamner sans se pencher sur les réels problèmes de fond et sans rien proposer en retour ne sert à rien.

La responsabilité de chacun, soignants et patients doit être clairement définie.
La prévention des infections sexuellement transmissibles doit être personnalisée et obligatoire. Distribuer des préservatifs entre deux portes, au bon vouloir des soignants et de la direction n'est pas suffisant dans ce secteur.
De même, des formations doivent être mises en place pour les soignants afin d'accompagner de manière individualisée chaque patient vers une autonomie sexuelle.

dimanche 13 janvier 2013

La bonne, la brute et le truand






Malade, elle n'a pas fermé l'oeil de la nuit.
Épuisée elle n'a pas posé ses congés.
Culpabilisée, elle n'a pas osé alerter.
Consciencieuse elle est allée travailler.

La bonne, la brute ...

Malade, elle est hospitalisée.
Patiente elle a été.
À la mutuelle et à la sécu elle a cotisé.
Vulnérable, elle s'est sentie délaissée.

Elle a fini par craquer, son aide-soignante elle a insulté.
Son infirmière, elle a frappé.

La bonne, la brute...

La brute, la bonne...

Que fait le truand ?

jeudi 10 janvier 2013

Les infirmiers ne sont pas des médecins ratés



Ou ces "compliments" qui nous assassinent






« Vous auriez pu faire médecine ! ». C’est ce que m’a dit l’un des médecins avec lesquels je travaille alors qu’elle me demandait mon avis sur la prise en charge d’une de ses amies malades.


Cinq mots qui me lacèrent l’estomac. Pour elle c’est un compliment, pour moi c’est comme si elle me crachait dessus, sur moi et toute ma profession. Oui Docteur j’aurai pu faire médecine, parce que je ne suis pas plus bête qu’une autre et que rien n’est insurmontable dans la vie. Mais non Docteur, si je n’ai pas fait ces études ce n’est pas parce que je ne m’en croyais pas capable, c’est parce que je ne le voulais pas. Ce que je voulais c’était être infirmière, aussi saugrenue que cette volonté puisse paraître à vos yeux.


Deux semaines plus tard, on parle de diarrhées et des risques de l’Ercéfuryl, entre le plat principal et le dessert. « Oh vraiment c’est dommage ! Vous auriez du faire médecine ! »  J’essaye de garder mon calme mais je sens déjà mes cheveux se hérisser sur mon crâne, comme si je n’étais déjà pas assez mal coiffée comme ça. Docteur connaissez-vous vraiment notre champ de compétence ? Ce sujet sur lequel on discute, en fait partie. C’est celui qui administre un médicament qui est responsable des conséquences de celui-ci. Un infirmier connait les propriétés et risques d’un traitement, c’est son métier. Il doit pouvoir les expliquer à son patient, il doit pouvoir en surveiller les effets indésirables, il doit pouvoir détecter une anomalie dans votre prescription.


Dix jours plus tard, ma doctoresse qui, je commence à le croire à un sérieux trouble de la mémoire me demande : «  Pourquoi vous n’avez pas fait médecine ? » Mais Docteur, pourquoi aurai-je du faire médecine si je voulais être infirmière ? J’aime ma profession. J’aime prendre en charge un patient de manière personnalisée, en prenant en compte sa personnalité, sa culture, son environnement. J’aime écouter, j’aime tenir la main. Je vous laisse diagnostiquer, laissez-moi prendre soin. La seule chose que j’envie aux médecins c’est leur salaire.


Une semaine plus tard on parle de vaccins, leurs risques, leur efficacité, etc. « Oh mais c’est épidémiologiste que vous auriez du être, pas infirmière ! ». Le métier a changé mais la teneur du discours est la même. Pourquoi ne peut-elle pas concevoir qu’on puisse vouloir être infirmier ? Est-ce si dégradant à ses yeux d’exercer cette profession ? Elle croit me passer de la pommade mais ne fait que m’insulter. Docteur, avec tout le respect que je vous dois, j’aurai peut-être pu être médecin, épidémiologiste ou je ne sais quoi d’autre, mais une chose est sûre, avec votre fibre psychologique aussi fine que les bras d’un déménageur, vous, vous n’auriez pas pu être infirmière.


Hier, de guerre lasse, quand, je ne sais plus à quel sujet, ma doctoresse a réitéré sur son histoire de médecin, je lui ai répondu : « Je préfère être infirmière, au moins les jours où je suis fatiguée et que je n’ai pas envie de réfléchir, personne ne me reprochera d’être idiote ». Ma réplique l’a bien fait rire et à mon grand désespoir, pour une fois, elle avait l’air d’être convaincue par ma réponse.




lundi 7 janvier 2013

Le premier envol des colombes


Les Ni Bonnes Ni Nonnes Ni Pigeonnes sortent de l'ombre





Que dire de plus que tout ce qui a largement été relayé par les média aujourd'hui ?

Peut-être un grand merci ?

Merci à ces soignant/es qui ont prouvé ce Lundi 7 Janvier qu'il était encore possible de se faire entendre.

De dire Non. Non à cette politique de rendement qui nuit à la qualité des soins et met tous les jours plus en danger les patients et le personnel.

Non, nous soignants, nous ne consentons pas à ce système dangereux et nous le dénonçons et continuerons à vous alertez tant que de véritables mesures ne seront pas prises.

Muselez-nous le bec, nous battrons des ailes.
Épuisez-nous, notre créativité n'en sera que plus développée.
Transformez-nous en bons petits soldats, c'est face à une redoutable armée que vous devrez vous défendre.


Merci à ce groupe qui aujourd'hui nous redonne de l'espoir. L'espoir qu'un jour on puisse exercer notre métier.




samedi 5 janvier 2013

Psychotypologie des patients


Ou comment apprendre à cerner votre patient en un clin d'oeil



Qui se cache derrière ce patient ?


Vous avez appris à jongler avec les différents profils des infirmières et à survivre dans jungle hospitalière. Reste à voir le plus gros du travail, celui pour lequel on est là : le patient. Il y a celui qui nous émeut, celui qui nous fait rire, celui auquel on s'attache et celui qui a le don pour nous mettre les nerfs en pelotes en un rien de temps. Derrière chaque porte de chambre, une nouvelle personnalité à laquelle il va falloir s'adapter vite pour une meilleure prise en charge.

Ici, en exclusivité, je vous ai concocté un petit récapitulatif des différents profils de patients.

Le (trop) gentil : Il est tellement discret qu'on n'en oublie son existence. Il s'excuse dés qu'il vous adresse la parole, attend que vous passiez dans sa chambre pour vous demander le bassin, fait son lit le matin alors qu'il tient à peine debout, souffre en silence car il n'ose pas vous déranger. Il a une mère infirmière ou aide-soignante et l'a tellement entendue se plaindre de la surcharge de travail qu'il n'ose plus vous faire travailler du tout.Ce pauvre patient se retrouvera systématiquement récompensé de sa gentillesse à partager sa chambre avec celui que personne ne supporte. Normal c'est le seul à ne pas râler. Attention, le jour où vous entendez retentir la sonnette de la chambre du (trop) gentil, accourez immédiatement : c'est que vraiment ça ne va pas.


'insupportable : Il partage donc sa chambre avec le (trop) gentil. L'insupportable ne parle pas, il aboie. Il vous regarde de haut en bas quand vous entrez dans sa chambre cherchant quelle remarque acerbe il va bien pouvoir vous faire. il ne vous communiquera rien sur son état de santé préférant s'adresser aux médecins auxquels il fait des ronds de jambes dignes de ceux d'une danseuse étoile. Il vous appelle en moyenne toutes les 17 minutes pour : baisser un peu le store, relever un peu le store, monter le son de la TV, baisser le son de la TV, parce que les piles de la télécommande ne fonctionnent plus (ah donc il savait s'en servir ?), vous dire que c'est inadmissible qu'il n'y ait pas le wifi à l'hôpital, vous demander le menu du jour "qui de toute façon sera immangeable", vous demander un autre drap (car l'insupportable y renverse systématiquement son café. "Pas bon le café d'ailleurs") et... pour rien en fait il n'était plus sûr de savoir à quoi servait le bouton de la sonnette alors il a appuyé pour voir. L'insupportable empêche son voisin de se reposer, allume la grande lumière en pleine nuit quand il a besoin d'aller aux toilettes, regarde la tv (dont le (trop) gentil paye l'abonnement) jusqu'à 1h du matin. L'insupportable est le genre de patient qui un jour, sans prévenir, va fondre en larmes et vous confier toute sa détresse. Mais attention, il en sera tellement honteux qu'il mettra les bouchées doubles le lendemain pour vous énerver.




Le comique : Le comique n'a pas un physique avantageux, sa santé n'en parlons pas. Son sens de l'humour lui a permis de survivre dans cette société où l'image est reine. Le problème avec le comique c'est que vous ne savez pas si c'est du lard ou du cochon. Il hurle "aïe aïe aïe" dés que vous le touchez, mais impossible de savoir s'il a vraiment mal. Il s'aventure dans des jeux de mots hasardeux que vous avez du mal à suivre dés le milieu de votre journée de travail et vous regarde d'un oeil expectatif, attendant du répondant de votre part. Attention, le danger avec le comique c'est de se laisser aller à trop de familiarités. Gardez toujours en tête que le comique est extrêmement susceptible, ses blagues étant une maigre carapace à son grand manque de confiance en lui. Alors riez poliment et pesez vos mots si vous ne voulez pas le transformer en clown triste.




Le dépressif : Dés que vous entrez dans sa chambre, l'atmosphère qui s'y dégage pèse sur vos épaules comme 50 kg de plomb. Il vous regarde le sourire à l'envers, hausse les épaules à vos sollicitations, n'attends plus rien de vous ou des autres. Il répond systématiquement en penchant la tête du côté gauche "ça fait aller" quand vous lui demandez comment il va. Il rit jaune quand vous lui souhaitez un bon appétit. Sa dépression est souvent couplée à une grande anxiété, d'où ce TIC agaçant de claquer sa langue contre son palais à intervalles réguliers. Pour apaiser ses angoisses le dépressif a besoin d' énormément d'informations, savoir quels soins, quand, comment et pourquoi on va les lui faire. Il faut éviter autant que possible de perturber ses habitudes et respecter un planning à la lettre. Ses innombrables questions peuvent parfois vous peser sur le système, d'autant plus qu'il va falloir vous répéter souvent car les traitements psychotropes lui font perdre la mémoire. Avec lui, patience est le maître mot.




Le charmeur : commercial de profession, même sur un lit d'hôpital il ne peut s'empêcher de séduire...du moins d'essayer car le charmeur dont on parle ici est souvent le stéréotype du gros lourd de la drague. La tête bourrée de clichés sur les infirmières, il vous pense trop sotte pour voir son petit manège. Il a une fâcheuse tendance à confondre les IDE avec des masseuses "exotiques" et passe la journée torse-nu dans son lit, tentant de vous impressionner par ses biceps dessinés à la gonflette. Celui-là remettez le vite, poliment mais sûrement à sa place avant qu'il ne se transforme en harceleur.

Le régressif: Quand il est arrivé à l'hôpital il avait toute sa tête et toute son intégrité physique. Aussitôt après avoir franchi le pas de la porte de sa chambre, ce n'est plus le même homme, il a rajeuni...peut être un peu voire beaucoup trop. Le régressif ne prend plus sa douche si vous ne lui proposez pas, il ne pose aucune question sur ses traitements ou ses examens, c'est tout juste si vous ne devez pas lui tartiner son pain de beurre le matin. Le régressif est dans la vraie vie un hyperactif qui aime tout contrôler dans son domaine. Il a tellement tiré sur la corde que son corps l'a rappelé à l'ordre d'une manière ou d'une autre. Sortez le de son milieu et il est complètement perdu. Ce dont il a besoin : du repos, beaucoup de repos. Proposez lui de se faire apporter des bouchons d'oreilles et aidez le à définir ses priorités.

Le condescendant : le condescendant ne connait rien à votre profession, il pense que vous êtes devenue infirmière parce que votre faible niveau intellectuel ne vous permettait pas de faire grand chose d'autre et qu'au moins dans cette voie il y avait du boulot. Le condescendant vous explique en long, en large et en travers pourquoi l'hôpital va mal et comment vous devriez exercer votre métier pour pallier les problèmes d'organisation. Il vous demande trois fois de vérifier que vous n'êtes pas en train de vous tromper de traitements. Ne gaspillez pas votre énergie à tenter de prouver au condescendant que vous n'êtes pas la sotte qu'il croit, vous vous épuiseriez. Il est de toute manière bien trop auto-centré pour changer d'avis.

La pie voleuse : je la met au féminin car pour le coup c'est souvent une femme. La pie voleuse ne roule certes pas sur l'or mais elle n'est pas à plaindre non plus. L'avantage avec cette patiente, c'est que le ménage sera vite fait dans sa chambre le jour de sa sortie : des draps à la solution hydro alcoolique en passant par le pied de perfusion (pour faire un porte-manteau ?) et le bassin (mais...pourquoi ?) la pie voleuse a tout embarqué. Il y a un moyen de la reconnaitre : la pie voleuse se plaindra souvent de côtiser trop cher à la sécurité sociale aux vues des services rendus à l'hôpital. C'est sa manière à elle de récupérer son dû...sans penser une seconde qu'elle ne fait que participer à la dégradation du système de soins. Ouh la vilaine !




jeudi 3 janvier 2013

Ce cancer qui me fait baisser les bras


Ou pourquoi je ne peux pas travailler en oncologie.



Une cellule cancéreuse

Le cancer me fait peur

En tant que soignants, on a tous nos limites, en déplaise à certains.
La mienne c'est le cancer. L'idée de travailler dans un service d'oncologie m'angoisse au plus haut point.
La vérité, c'est que c'est le cancer en lui-même qui m'angoisse. Le moindre truc qui ne tourne pas rond chez moi ou l'un de mes proches et je m'imagine déjà une tumeur grossissant sournoisement dans le corps, créant des métastases un petit peu partout.
Hypocondriaque me direz-vous ? Pas vraiment, je n'ai pas peur des autres maladies, je ne redoute pas les crises cardiaques, les AVC ou les scléroses en plaques. C'est uniquement cette saloperie de cancer que je n'arrive pas à apprivoiser parce que je sais en mon fort intérieur, qu'un jour ou l'autre il me tombera dessus. Je viens d'une famille où il fait des ravages, je le sens tapi dans mes gènes, je l'ai peut être transmis à mon enfant.

Alors non je ne peux pas travailler en oncologie. Je ne peux pas affronter chaque jour ce que je redoute le plus pour mes proches et pour moi. Je ne peux pas revivre perpétuellement des souvenirs douloureux. La maigreur, les vomissements provoqués par la chimio, la fatigue inexprimable, la douleur des métastases osseuses,  mais surtout la tristesse du désespoir, l'angoisse de la mort plus que jamais matérialisée par ce crabe insidieux qui nous détruit toutes les heures un peu plus.

Non je ne peux vraiment pas travailler en oncologie. Je ne peux pas aider un patient à affronter cette terrible maladie alors que je n'arrive même pas à en appréhender l'idée sans être parcourue par un frisson glacé. Je peux prendre en charge un patient atteint de cancer dans un service de médecine ou de chirurgie. Mais prendre en charge uniquement des patients cancéreux, qui plus est dans un service dédié à cette maladie, non.

J'ai dit à une cadre de santé que je ne voulais pas travailler en oncologie. Elle m'a comme qui dirait envoyée sur les roses. Elle n'a pas cherché à comprendre pourquoi. On soigne des patients pas des maladies. Certes, je ne peux pas la contredire. Je soigne des patients. Un humain soigne des patients, un médicament des maladies. Un humain a des limites. Un soignant est un humain. Un soignant a des limites. Ma limite c'est le cancer.CQFD.


Les soignants face à leur représentation de la mort


" Heureusement que tout le monde n'est pas comme vous ! "

Tout le monde n'est pas comme moi, certains aiment l'oncologie et tant mieux. Je serai bien contente que des soignants qui aiment leur domaine s'occupent de moi quand j'y passerai. Mais tous les infirmiers ont peur d'un secteur en particulier. Ce secteur est celui qui selon nos représentations personnelles, conscientes ou inconscientes, nous renvoi à notre propre mort. Nous demander de côtoyer quotidiennement notre propre mort revient à nous demander de faire corps avec elle, danser avec elle sur le chemin de la vie. C'est une hérésie, un non-sens, une absurdité qui peut faire des ravages si elle n'est pas détectée. Chez moi la représentation de la mort est simple, le raccourci d'une consternante banalité : cancer =  ma mort. Ce qui explique que paradoxalement, je ne sois pas rebutée par les services de soins palliatifs. Chez d'autre cette représentation est plus complexe, plus difficile à mettre en lumière et peut mettre le soignant qui ne fait pas les bons choix de carrière en danger.

 Alors, non ne me forcez pas à travailler en oncologie, je ne suis pas prête, pas encore, je ne le serai peut-être jamais. Ne me mettez pas en avant les arguments de pluridisciplinarité, ne me culpabilisez pas de ne pas tendre la main aux cancéreux. Cette main moite et raidie par l'angoisse ne communiquerait rien d'autre que les profondeurs de mon impuissance. Non, ne me culpabilisez pas de connaître mes limites et de les respecter. Ne me montrez pas du doigt, car ce sont ces mêmes limites qui me font avancer, m'empêchent d'abandonner ce si joli métier, là où d'autres qui n'ont pas osé s'écouter ont fini par laisser tomber.

mercredi 2 janvier 2013

Une application Iphone pour les infirmiers


Apple lance une application gratuite pour les infirmiers



Aujourd'hui j'ai testé pour vous une application créée par Maxime Prat pour les infirmiers : Appl'IDE.

Voilà deux semaines que vous travaillez sans relâche et vous n'avez plus les yeux en face des trous ?
On vous force à travailler jusqu'à 67 ans pour toucher votre maigre retraite malgré un début d'Alzheimer ?
Vous êtes étudiants, et les méchantes IDE vous font perdre tous vos moyens en stage ?
Vous voulez trouver un prétexte pour montrer votre Iphone flambant neuf à vos collègues ?
Vous êtes un peu geek sur les bords ?

Alors c'est sûre, cette apllication est faite pour vous. Ce petit pense-bête très simple à utiliser regroupe six chapitres :

- calcul des débits de perfusion en gouttes/minute ou ml/heure
- les normes biologiques
- les normes des gaz du sang artériel
- les groupages ABO
- La description des quatres stades de l'escarre avec illustration, ainsi que les différents pansements, leur description et leur utilisation.
- Les insulines, leur délai et durée d'action.

Je ne pense pas que toutes les fonctionnalités de cette appli soient vraiment utiles mais ce gadget est assez sympa, le design épuré, toujours pratique en cas de trou de mémoire et surtout il est gratuit ! De plus, je n'ai pas trouvé de coquilles dans les informations qu'il contient.

Autre dernier détail : promis je ne détients pas d'obscures actions pour cette appli et je n'ai aucun lien de parenté avec son créateur, je ne le connais même pas. J'avais juste envie de partager avec vous une petite geekerie qui pour une fois nous est destinée.

mardi 1 janvier 2013

Bonne Année 2013


Les voeux de l'infirmiere




Je souhaite à tous les soignants pour cette année :

- des jours de congés respectés
- des heures supplémentaires choisies et payées
- très peu d'insultes, de coups, de crachâts, de morsures, de griffures de nos chers protégés
- un dos en béton armé : adieu lumbago, sciatique et hernie discale
- des jambes de marathonien : bye bye insuffisance veineuse, rétention d'eau et varices
- une peau toute douce : exit les mains sèches et ridées.

Je vous souhaite surtout du renfort dans les services, des créations de postes pour vous décharger. Alors n'oubliez pas cette année on dit NON ! Non je n'effectuerai pas un remplacement de dernière minute alors que je suis déjà épuisée, il y a des intérimaires pour ça. Non je ne ferai pas le travail pour deux ou trois. Embauchez ! Ça paraît difficile comme ça mais si nous tenons tous le même discours, nos actions commenceront à porter leurs fruits pour le plus grand bien de tous : soignants et patients. Allé on répète : NON NON NON (bon faudrait pas que ça devienne un TOC non plus, surtout pour toi la bandeuse)

L'année 2013, je le souhaite, sera marquée par la révolte des infirmiers.

Il parait que dans un blog on ne peut pas que râler et qu'il faut aussi parler de soi. Un gros projet pour moi en 2013, quitter ma région pour plusieurs raisons : avoir un cadre de vie un peu plus sympathique, plus verdoyant, moins pollué, un peu plus d'ensoleillement et surtout pouvoir me loger correctement, offrir une chambre pour ma fille qui va bientôt crapahuter dans tous les sens. Beaucoup de changements en perspective donc... Vous pensez pouvoir m'aider ? C'est par ici.

Découvrez ici mes voeux de Noël