dimanche 30 décembre 2012

CAP infirmier

Ou comment l'Union Europeenne tente de déqualifier la formation en soins infirmiers.


 


Une future infirmiere..tres prochainement 

J'ai recraché mon café par les trous de nez ce matin en apprenant ça sur mon groupe Facebook préféré.
Pour ceux qui auraient la flemmingite dominicale, je vais vous résumer très brièvement la situation : l'union Européenne, à la demande de l'Allemagne, tente de déqualifier nos études en rendant la formation accessible dés la fin de la seconde, et non plus après le bac. Sournoisement, comme ça, entre Noël et le jour de l'an. Permettez moi d'être grossière comme un chameau mal luné face à cette information mais What the fuck ?

L'Allemagne est l'un des seuls pays (peut-être le seul, à rechercher) de l'UE à ne pas avoir d'infirmières à proprement parler, chez eux les IDE correspondent plus aux aides-soignantes chez nous, les médecins se collent aux actes plus techniques. Donc effectivement la formation des infirmiers est moins exigeante là-bas. Mais pourquoi devrait-on niveler par le bas ? Pourquoi l'UE n'exige t-elle pas de l'Allemagne de rehausser son niveau de formation pour s'harmoniser aux autres pays ?

J'ai bien peur encore une fois d'y percevoir une histoire de gros sous, une manière de justifier de nous payer au lance-pierre, de nous museler pour mieux nous asservir, et ce toujours au détriment de la qualité des soins.
Je plaisantais souvent avec mes collègues devant la condescendance de certains patients qui pensaient que seuls ceux qui étaient en difficultés scolaires pouvaient vouloir faire ce métier, réduisant notre diplôme à un CAP (ceci-dit je n'ai rien contre les CAP qui peuvent parfois être les seuls diplômes à ouvrir les portes de certains métiers), s'étonnant qu'on sache la propriété d'un médicament, puisse dépister une hypoglycémie ou même qu'on fasse de la recherche. Malheureusement, force est de constater que ces patients auront bientôt raison. La formation d'infirmier risque de devenir une voie de garage pour ceux qui n'arriveront pas à aller jusqu'au bac, la porte facile à prendre, sans plus de réelles motivations que de se débarrasser de ses études.

Au-delà de ça, je doute que cette formation soit adaptée à un adolescent de 15 ans. Actuellement, 30% des étudiants en IFSi ne vont pas jusqu'au bout de leurs études, souvent une erreur d'orientation. En donnant accès à cette formation à un public encore plus jeune, il faut s'attendre à ce que le nombre d'abandons augmente. En effet, il faut avoir les épaules bien solides et se connaître un minimum soi-même pour supporter la douleur, la mort, la vieillesse, prendre le recul nécessaire sur certaines situations. Il faut aussi avoir une personnalité bien construite pour savoir dire non, savoir dire stop quand la hiérarchie nous force à trop tirer sur la corde. Et que dire des patients au comportement sexuel déviant prenant un malin plaisir à mettre mal à l'aise les infirmières qu'ils imaginent nues sous leur blouse ? Une ado de 15 ans, qui risque d'en être la première victime, saura t-elle le remettre intelligemment à sa place ? Quand j'étais encore à l'IFSI, la plupart des étudiants de ma promotion avait soit un bagage universitaire derrière eux, soit une carrière professionnelle, et ce n'est pas un hasard. Les rares qui sortaient du bac sont peut être ceux qui ont eu le plus de difficultés sur le plan psychologique à suivre cette formation.

Du point de vue du patient, je me demande comment il peut vivre le fait qu'une jeune fille tout juste sortie du berceau puisse lui faire sa toilette. Et que dire de la relation d'aide ? Le relationnel, l'écoute, la réassurance sont les piliers de notre profession. C'est ce qui nous différencie de simples techniciennes de soins (même si beaucoup aimeraient nous réduire à ça). Comment peut-on se sentir compris par quelqu'un qui porte encore sur son visage les stigmates de l'enfance ? Il y a bien sûr des ados plus matures que d'autres, mais l'image qu'ils renverront aux yeux de l'autre restera celle d'un novice de la vie.

Enfin quid de notre reconnaissance à bac+3 si difficilement obtenue (non sans se faire allègrement arnaquer au passage d'ailleurs) ? Si les infirmières n'ont même plus le niveau bac, vont-elles passer de la catégorie A à la catégorie C dans la fonction publique ?

Mais surtout que va faire l'ONI ? Va t-il enfin nous prouver qu'il est vraiment là pour défendre notre profession ?

cliquez ici pour un billet sur les économies et la sécurité des soins
 

vendredi 28 décembre 2012

Psychotypologie des infirmieres


petit récapitulatif humoristique des différents profils des infirmières



Attention ! ce billet n'a aucune valeur scientifique !


Quand je regarde mes collègues, c'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de penser à Tekken. Vous savez ce jeu de combat des années 90 ? Je vous arrête tout de suite, je n'ai pas encore envie de leur envoyer un super kaméa méa dans la face, là n'est pas mon propos. Dans ce jeu, chaque personnage a son arme ou son petit pouvoir bien à lui. Chez les infirmières, c'est pareil : elles ont toutes leur spécificité pour aller sur le front. Ces petits détails sont fort révélateurs de leur personnalité en psychologie de comptoir.
Je me suis alors amusée (on s'amuse comme on peut hein !) à classer les IDE en grandes catégories, bien que je déteste habituellement ranger les gens dans des cases. Je déteste ranger tout court d'ailleurs, mais ça c'est une autre histoire dont je vous épargnerai les détails.

Donc, par ordre absolument aléatoire, nous avons :

La piqueuse: Cette infirmière ne se lasse pas de faire des prises de sang et injections en tous genres. Quand elle était étudiante, elle s'entraînait à piquer sur des câbles électriques ou sur ses amis les plus courageux (ou ceux qui n'osaient pas dire non, rappelons qu'on parle de futurs infirmiers) et tannait sans cesse ses référents de stage pour aller faire des bilans sanguins. L'aiguille est à la piqueuse ce que la Ferrari rouge est au kéké, la cravate à l'homme d'enfer affaires. C'est son troisième membre, retirez-le lui et elle perdra toute son assurance. Dans une vie antérieure, c'était un moustique. Décédée brutalement, écrasée entre la paume de main d'un touriste allemand et une table de camping, elle est revenue sur terre sous une autre forme pour se venger. Mais attention, la piqueuse ne "pique" pas seulement votre sang. Le verbe bien affûté, cette infirmière n'a souvent pas la langue dans sa poche et n'hésitera pas à cracher son venin ou envoyer des piques bien senties à toutes personnes dont le visage ne lui reviendra pas (les blonds aux yeux bleus ?)

La panseuse: Les stades de l'escarre n'ont aucun secret pour elle. Elle a appelé son chat Jelonet et son poisson rouge Pyo. Elle s'extasie devant une plaie bien suintante et en hume l'odeur avec délectation. A peine a t-elle signé son premier contrat qu'elle a apposé son nom sur l'interminable liste d'attente du DU plaies et cicatrisations. Ne vous fiez pas au premier abord froid et réservé de la panseuse. Cette infirmière porte en elle-même une plaie qu'elle n'a jamais réussi à cicatriser. Dans une vie antérieure, elle était infirmière croix-rouge. Décédée brutalement sous les bombardements, elle s'est vidée de son sang par ses membres arrachés. La panseuse qui est aussi une penseuse, passe son temps à observer les gens, grattant à la surface de chacun pour en révéler la vraie nature.

La scopeuse: Vous pouvez croiser ce type d'infirmière en salle de réveil (SSPI). La scopeuse est bien la seule à ne jamais avoir les fils de ses ECG qui s'emmêlent. Mais comment fait t-elle ? Les yeux rivés sur l'écran, elle se laisse bercer par le concert de "bips", rassurée par l'affichage des chiffres. Quand elle a eu un bébé, elle n'a pas dormi les six premiers mois. Pas parce que l'abominable ne faisait pas ses nuits, non ! Parce qu'elle laissait sa main sur son thorax pour vérifier ses mouvements respiratoires. Pour la scopeuse, il n'y a pas de bonnes surprises. Elle aime tout prévoir à l'avance. Et pour cause ! Dans une vie antérieure c'était un lapin nain domestique. Décédée brutalement d'une crise cardiaque le jour où un pigeon aveugle a foncé dans la baie vitrée du salon de ses maîtres, elle est revenue sur terre avec pour obsession d'anticiper tous les imprévus. Un peu psychorigide dans le fond, elle n'en n'est pas moins une personne de confiance.

La laveuse: Elle aime que tout soit propre et fleure la lavende. La laveuse a une prédilection pour les soins de nursing. Très maternelle dans l'âme, c'est aussi elle qui amène des bons petits plats pour l'équipe les week-ends travaillés. La laveuse parle d'une voix douce et aime prendre son temps. Dans une vie antérieure elle était bonne soeur. Décédée brutalement en pleine faute de gourmandise, un caramel coincé dans les voies aériennes, elle est revenue sur terre pour laver ses pêchés et ceux des autres par la même occasion. Vous pouvez la croiser à l'aube dans la chapelle de l'hôpital, "empruntant" un peu d'eau bénite dont elle versera quelques gouttes dans les bassines de toilette des patients. La laveuse a une façon de courber le dos au sens figuré comme au sens propre qui peut être assez exaspérante. Elle est néanmoins une collègue très serviable et une excellente médiatrice.

La bandeuse: Sa passion a commencé très tôt au collège, alors qu'elle se faisait de faux bandages pour échapper aux cours d'EPS. Ce qui aurait pu faire sourire a vite prit une autre tournure quand cette passion s'est transformée en trouble obsessionnel compulsif. La bandeuse est de loin la plus névrosée des infirmières. Elle milite activement contre les bas de contention, préférant de loin poser des bandes. Sur son chariot de soins, tout le matériel est disposé au milimètre près. Elle manque de s'étouffer de rage quand l'interne déplace malencontreusement sa boite de gants en s'en prenant une paire. La confection de bandages en spica et la pose de bandes de contention lui permettent d'assouvir ce besoin d'ordre et de précision milimétrique. Chez elle, même les grains de litière de son chat sont empilés les uns sur les autres. Dans une vie antèrieure, c'était un pharaon. Décédée brutalement, écrasée par une pierre mal placée lors de la construction d'une de ses pyramides, elle est revenue sur terre avec pour mission suprême de faire respecter le souci du détail au commun des mortels.

L'extubeuse: Vous la croiserez en service de réanimation principalement. L'extubeuse a une confiance en elle inébranlable. A son grand désespoir, le jour où elle a découvert que le père Noël n'existait pas, elle a commencé également à douter de son caractère divin. Plus tard, quand elle admit définitivement qu'elle n'était pas Dieu, elle choisit de combler sa frustration en reproduisant inlassablement la création du premier souffle. A défaut d'être Dieu, elle se sent désormais sa collègue. Dans une vie antérieure c'était le capitaine du Titanic. Décédée brutalement, noyée sous un iceberg, elle est revenue sur terre pour reprendre son souffle.

L'écouteuse: Elle ne jure que par les services de psychiatrie. Petite, les enfants dans la cour de récré l'encerclaient en criant "Dumbo! Dumbo!" à cause de ses oreilles décollées. En grandissant, elle est parvenue à faire de son complexe une force et a fait de l'écoute sa plus grande qualité. Sa transmission préférée ? " Ecoute active " bien entendu! L'écouteuse, à force de décortiquer et analyser chaque mot prononcé, peut parfois vous mettre mal à l'aise. Elle a au moins le pouvoir non négligeable de faire taire ceux qui parlent pour ne rien dire. Dans une vie antérieure, elle était espion au service du président des Etats-Unis. Affaiblie par une otite purulente, elle n'a pas entendu alors qu'elle surveillait les lignes téléphoniques, que l'affaire du Watergate allait être révélée au grand jour. Décédée brutalement, pendue à une corde à linge, elle est revenue sur terre avec l'inquiétude constante que quelque chose se dise derrière son oreille.

L'infirmier: Chez les Schtroumphs, chaque bonhomme bleu a sa particularité et/ou sa profession. Et puis il y a schtroumphette, qui n'a ni métier, ni personnalité. La légitimité de son existence est uniquement construite sur son genre féminin. Chez les bonnes femmes en blanc, c'est le contraire : il y a les piqueuses, les panseuses, les scopeuses, les laveuses, les bandeuses, les extubeuses, les écouteuses, les emmerdeuses, et puis il y a l'infirmier. Dans une vie antérieure, l'infirmier était un coq de basse-court. Décédé brutalement le cou tordu par un fermier, il a fini en chapon entre le foie gras et la bûche sur une table de réveillon. Il est revenu sur terre avec pour mission d'être entouré de dames jusqu'à la fin de ses jours, et cette fois-ci sans perdre ses attributs masculins.


Et vous, quelle infirmière êtes-vous ?




 



mercredi 26 décembre 2012

Les mamies aiment les bad boys



Un médecin qui ressemble à Nicolas Sirkis : succès inatendu chez les dames du quatrième âge

 En cette fin d'année morose - la crise, la "faim" du Monde, Gégé national qui nous abandonne sur le bateau submergé - rien de tel qu'un petit billet léger. Le mur des lamentations est déjà chargé comme un mulet turc, n'y rajoutons pas le vanity case de Paris Hilton.

Service de gériatrie court et moyen séjour - non revenez, ne tirez pas la tronche, juré il n'y aura pas de morts ! - Une dizaine de vieilles dames (et quelques vieux messieurs aussi mais il faut avouer que le sexe "fort" se fait rare passé un certain âge) se morfond dans le service. Elles sont là à la suite d'une chirurgie orthopédique le plus souvent et attendent de retrouver assez d'autonomie pour revenir chez elles.
Ce que j'aime dans ce genre de service de gériatrie - car il m'arrive aussi d'aimer mon métier - c'est que contrairement aux EHPAD où l'on voit chaque jour ses résidents décliner un peu plus, les vieux (eh toi là-bas ! Oui toi qui a le poil qui se hérisse comme le chat de ma belle-mère à chaque fois que je dis "vieux"! Vieux n'est pas une insulte c'est un état, alors respire un grand coup, détache le dernier bouton de ton pantalon s'il le faut et retire moi ce faux air outré de ton visage) ici sont là pour aller mieux. L'atmosphère y est différente, la grande faucheuse n'est pas tapie derrière chaque porte, notre ami Al Zheimer n'a pas une grosse côte de popularité, il joue aux cartes dans un coin avec Lévy et le fils de Parkin. Bref, sans aller jusqu'à dire que le court séjour gériatrique ça ressemble à ça:


c'est tout de même un domaine où, si les conditions de travail ne sont pas trop dégueux, il peut-être très agréable de travailler.
Agréable pour une chose principalement : les vieilles sont d'incorrigibles pipelettes, avec l'âge toutes leurs petites manies se sont amplifiées, leur donnant à chacune une sacré personnalité unique et attachante que je ne me lasse pas de découvrir.
Il y a la coquine qui ne peut s'empêcher de vous pincer les joues ou les fesses. Il y a la coquette qui vous asperge de son eau tonique dés que vous franchissez le pas de sa porte:
- mais Madame, je pue tant que ça ?
- mais non mon petit. Je sais que vous n'avez pas d'argent pour vous acheter du parfum.

Il y a la gourmande qui vous engraisse à grands renforts de chocolats et de bonbons La Vosgienne. Il y a la maquerelle qui veut absolument vous caser avec son petit-fils :
Il est gentil mon petit-fils et il a plein d'argent !
Décidément je dois vraiment avoir l'air pouilleuse. Puis sa voisine, la grenouille de bénitier qui vous assène de "que Dieu vous protège" en guise de merci et qui ne manque pas de prier pour vous à l'office du Dimanche.

Toutes ces vieilles dames, de la plus joviale à la plus acariâtre, ont quelque chose en commun : une passion débordante pour le médecin du service. Jeune ténébreux des pays de l'Est, les bras couverts de tatouages, le visage criblé de piercing, une coupe punkie, un accent à couper au couteau Laguiole. Il a de faux airs de Nicolas Sirkis, chanteur du groupe Indochine. Le genre d'homme qu'on ne peut pas présenter à ses parents sans avoir préalablement dilué 1/4 de Lexomil dans leur verre de vin. La première fois que je l'ai vu, je me suis imaginée toutes les patientes apeurées, choquées, sacandalisées qu'une telle créature puisse être médecin et daigner les soigner. C'était bien mal connaître les mamies et leur ouverture d'esprit parfois inattendue. Il a fallu me rendre à l'évidence : les mamies aiment les bad boys.

lundi 24 décembre 2012

Les chants de Noel à l'hopital résonnent sur des airs de blues




Reproduire la magie de Noel à l'hopital : une utopie ?


Autant qu'on se le dise tout de suite, le père Noël ne passera pas par l'hôpital. Il ne viendra pas pour la simple et bonne raison que chez nous, la cheminée mène tout droit au crématorium.

Et pourtant on n'en n'aurait bien besoin. Nous sommes tellement laissés pour compte qu'il est bien le seul aujourd'hui qui pourrait nous apporter une petite étincelle d'espoir. La promesse que demain on nous donnera les moyens de pouvoir continuer à prendre soin de vous, de vos familles dignement.

Ce soir à l'hôpital, les soignants tenteront en vain, hélas, de reproduire la magie de Noël. Quelques décorations parsemées, un bon repas pris entre deux sonnettes. Peut- être que quelqu'un pensera à apporter des chandelles ?
Mais au fond de chacun, le cœur n'est pas à la fête. Il y a celui qui, encore une fois, ne verra pas le regard de ses enfants s'illuminer devant leurs cadeaux. Il y a celle qui aimerait être avec sa mère malade pour qui c'est certainement le dernier Noël.
Et puis il y a les patients et leur famille, l'âme en peine de ne pas être dans la chaleur de leur foyer.
Dans la chambre au fond du couloir l'un d'entre eux rend son dernier souffle. Joyeux Noël.

Petit Papa Noël, laisse moi te donner une astuce : tu ne peux pas passer par la cheminé, mais rien ne t'empêche de prendre les escaliers.

samedi 22 décembre 2012

Dans l'enfer des EHPAD courent des héroïnes



Publicité mensongère : un EHPAD c'est tout sauf ça


Il y a bien une chose qui m'a toujours horripilé au point de ressembler à un orang-outang en colère : ce prestige qu'on rend aux infirmières des services de réanimation et d'urgence face au mépris des infirmières de gériatrie .
Il est certain que dire que l'on travaille avec les vieux est beaucoup moins "glamour" dans l'esprit général que de s'apparenter à une infirmière de série américaine qui, in extremis, ressuscite une jeune patiente victime d'un crash d'avion (quoi que dans les séries US c'est plutôt les médecins qui sont sur tous les fronts).
Imaginez un peu le scénario en maison de retraite :
- une fausse route chambre 332! Vite une manœuvre de Hemlich!
- tout de suite ! Mais qui va s'occuper du globe vésical de la 421 ? On n'a pas de temps à perdre sa vessie est sur le point d'exploser!
- infirmière! Une chute en 339, fracture du fémur ouverte, la patiente est en hémorragie!
- le patient de la 142 a fugué! Pourquoi ne l'avez-vous pas surveillé ? Là c'est le blâme !

Ça donnerait un peu près ça et ça serait plus proche de la réalité que Urgences ou autre Grey's anatomy.
Alors mince, je ne suis pas là pour casser du sucre sur le dos des infirmières de réa-urgences, leur travail a aussi ses difficultés et est tout aussi utile que les autres. Mais par pitié cessez d'assimiler infirmière en réa à super infirmière et infirmière en EHPAD à infirmière ratée !

Personnellement, la première fois que j'ai mis les pieds dans un EHPAD en tant qu'étudiante je me suis dit : "alors l'enfer c'est ça !" 100 patients, la moitié de totalement dépendants, une trentaine d'Alzheimer, le tout pour deux infirmières dont une en congé maternité, il va sans dire non remplacé, une dizaine d'auxiliaires-de-vie. J'avais déjà vu des personnes âgées et je connaissais les difficultés liées à l'âge, mais jamais dans cet état là. Les vieux qui sont en EHPAD, vous ne les croiserez jamais à l'extérieur.

J'ai perdu 5kg en 4 semaines, les soins se faisaient à la chaîne, faute de pouvoir faire autrement. La moindre urgence et c'était 3h supplémentaires assurées sur une journée déjà bien longue. Et les urgences sont quotidiennes chez les personnes du 4ème âge, mais en EHPAD vous n'avez ni médecin réanimateur ni matériel adapté sous la main pour les gérer. C'est vous, votre tête et votre bon sens. Ajouter à cela les multiples manutentions qui vous abîment le dos, le manque de gants pour manipuler des gens souvent souillés d'urines et de selles, les griffures, morsures, crachats, étranglements des patients déments, l'agressivité des familles qui trouvent qu'on ne passe pas assez de temps avec leur proche...
 Sans parler de la confrontation quotidienne avec la mort et pire, la dégénérescence qui sans cesse vous rappelle que vous aussi vous risquez de terminer comme ça.
Vraiment, je serai incapable de tenir plus de deux mois dans ces conditions.

Et à l'intérieur de tout ça, des infirmières, des aides-soignantes, qui parviennent à apporter à ce tableau apocalyptique une once d'humanité: un sourire, un bisou, un mot gentil, la page du calendrier tournée au bon jour... Ça paraît tellement insignifiant vu de l'extérieur, mais croyez-moi, dans tout ce tumulte, ces petites attentions, peu de gens penseraient encore à les avoir.
Alors quand j'entends une cadre menacer une infirmière de la mettre en gériatrie long séjour parce qu'elle ne fait pas bien son travail, j'ai envie de hurler, de l'attraper par la queue de cheval et de faire du tourniquet avec.

Les soignantes en EHPAD resteront pour moi des héroïnes des temps modernes...

Cliquez sur ce lien pour un point de vue plus humoristique sur la gériatrie

lundi 17 décembre 2012

Infirmier SDF

Ou comment se loger à paris et en Ile-de -France avec un salaire infirmier ?

Paris et sa magnifique architecture

Infirmier à Paris cherche logement sans rats, sans cafards et sans fuites d'eau (minimum de salubrité demandé en raison des exigences d'hygiène du métier). Si possible avec douche et wc à l'intérieur pour se débarrasser efficacement des divers virus et bactéries importés de l'hôpital. Idéalement situé à 1h maximum de la capitale en raison des horaires décalés. Coupe-gorge exclu, ayant eu son lot d'agressions physiques, verbales et psychiques sur son lieu de travail. Loyer maximum à 500 euros charges comprises, soit 1/3 du salaire conformément à la Loi Boutin. Bailleurs de boxes ou de garages s'abstenir. proposition de van aménagé ou place de camping à réfléchir.

Ba dis donc il est exigeant celui-là!

Je suis étonnée de ne pas être encore tombée sur une annonce de ce genre. Ça ne saurait tarder. La flambée de l'immobilier est un réel problème pour la profession infirmière dont le salaire ne permet plus de se loger dans certaines grandes villes, voire dans toute une région (île De France). Il va sans dire que les infirmiers sont bien trop "riches" pour bénéficier d'un logement social
d'où peut-être l'exode en Suisse de certains soignants français.
Je me souviens avoir évoqué ma réticence à "m'engager" pour l'APHP auprès d'une directrice de soins pour cette raison.

Pas de problème, vous appelez ce numéro de ma part et dés que vous signez je m'engage à ce qu'on vous affecte un appartement !

En voilà une nouvelle qu'elle est bonne, mais à moi on ne me la fait pas, ça sent le fécalome à plein nez !
À tout hasard j'appelle le numéro magique. Une femme me répond sur un ton blasé, je l'imagine à l'autre bout du fil, dans son bureau poussiéreux, habillée Camif de la tête au pied (oui j'ai décidé qu'elle n'avait qu'un pied): les dits appartements sont des studios de 20m2, pour en bénéficier il faut être célibataire, sans enfant et sans chat (on tolérera exceptionnellement Raoul le poisson rouge), il ne faut avoir aucune famille dans la région et nous sommes priés de quitter les lieux six mois plus tard, un an avec dérogation. Loyer 450 euros.
Quelle sélection pour l'administration française qui est censée posséder le plus gros patrimoine immobilier ! Il faut dire que nous sommes tellement nombreux à être à la rue qu'il a bien fallu poser des critères.
Alors comment faire ?
Épouser un homme/femme riche ? So rétro, so pathétique
ma chère Monique
La colocation ? Ça va un temps mais à trente ans se faire un remake quotidien de L'auberge Espagnole, très peu pour moi.
Retourner vivre chez les parents ? Pas de remake, on a dit pas de remake, Tanguy non merci!
Vivre en Normandie/Picardie/Eure et Loire ? C'est possible (bien qu'épuisant au niveau du temps de transports) quand on a des horaires de bureau.
Partir ? C'est encore la seule solution envisageable, encore faut-il trouver du boulot ( cf Les infirmiers au chômage )

On a longtemps parler d'exode rural, préparez vous à l'exode urbain (les infirmiers n'étant bien entendu pas les seules à s'asphyxier le porte-monnaie dans les grandes villes).
À l'heure où Marisol Touraine tente de convaincre les médecins de s'installer dans les déserts médicaux à grands coups de billets, elle ne voit et ne prévoit pas la fuite des infirmiers vers des endroits où leur salaire leur permettra de vivre et non de survivre.
L'APHP, qui se réveille dix ans trop tard, commence à plancher sur le sujet comme vous pouvez le voir dans l'article mis en lien ci- dessous:
Des logements pour les infirmières de l'APHP
Mais attendez une minute...
N'est-ce pas l'APHP qui a revendu une grande partie de son patrimoine immobilier en 2011?
N'est-ce pas l'APHP qui préfère attribuer ses vrais appartements à ses plus hauts fonctionnaires, laissant les infirmières, aides-soignantes et tous les "bas salaires" de l'hôpital sur le trottoir?

Espérons une prise de conscience rapide, pas seulement de notre institution mais de tout le gouvernement. Une réelle baisse des loyers, une interdiction de la spéculation immobilière par les riches investisseurs, spéculation qui met tous les jours plus de gens dehors. Si des mesures ne sont pas prises maintenant, certains le paieront chers dans 10 ans et pas forcément ceux qu'on croit...imaginez un peu toute une région de cols blancs... Plus de professions intermédiaires, plus de services, plus d'ouvriers...Ils devront alors nous payer à prix d'or pour qu'on revienne travailler auprès d'eux. Ils se rendront vite compte que sans tous les corps de métiers, plus de travail possible, donc plus de fric. Plus personne pour entretenir les routes, les bureaux, plus d'écoles, plus de crèches, plus de bus, de train, de nounous, de restaurateurs... Tous les mal payés, enfin surtout mal logés auront fuit la capitale. Paris ressemblera à....oh mon Dieu...au Luxembourg ! En plus pollué....

Alors Messieurs les énarques, pour une fois voyez un peu plus loin que la fin de votre mandat, si vous voulez faire de vraies économies à long terme, il va falloir mettre la main au porte-monnaie maintenant et permettre aux nouvelles générations franciliennes appartenant aux classes moyennes et ouvrières de se loger.

Cliquez ici pour visionner les méthodes de propagande de l'APHP


 

vendredi 14 décembre 2012

Infirmier, ce metier mysterieux



Encore une provocation de Marisol Touraine




Notre chère Ministre n'a pas bien l'air de connaître notre profession...


Pour votre information Marisol, nous avons déjà le droit de faire certains vaccins et de prescrire certains "produits" comme vous le dites si bien.


Mme la Ministre,

Je vous invite à lire de toute urgence notre décrêt de compétences, il pourra vous éviter à l'avenir de mettre en exergue votre incompétence.

Sur ce je vais vomir....encore!
  Juste le temps pour vous de regarder et diffuser cette magnifique vidéo :





En remerciant Maxime membre du groupe Ni bonnes Ni nonnes Ni pigeonnes pour le montage

Vous aimerez peut-être le billet sur ce lien

jeudi 13 décembre 2012

Sur les pas des infirmiers



Si vos mains valent (symboliquement) de l'or, vos pieds ont très peu de valeur !


Mieux vaut ne pas être infirmière quand on est réfractaire à la marche. Selon une étude de l'INRS (ici)les infirmières marcheraient plus de dix kilomètres par jour de travail dans un même service.
Ils ne prennent pourtant pas cher nos pauvres pieds. Nos piétinements, souvent récompensés par une douche de liquides divers (urines, vomissements, sang et, comble de l'horreur, traditionnel potage de l'hôpital) ont encore beaucoup de distance à parcourir avant de fouler un moelleux tapis de billets verts.


Encore un beau pied de nez à la profession infirmiere


En effet, les pas d'une infirmière ont moins de valeur que celui d'un médecin, d'une sage-femme ou encore d'un kinésithérapeute. Quand l'indemnité de déplacement d'un médecin généraliste s'élève à 10 euros, de la sage-femme à 4 euros, celle de l'infirmière libérale décolle à peine du plancher des vaches avec 2,50 euros.
Pourquoi une telle différence pour un même acte aussi basique que celui de se déplacer ?
Est-ce parce que de nos pieds se dégagent un odorant fumet à force de courir partout ?
Est-ce parce que les infirmières sont de plus en plus nombreuses à aller travailler à reculons ?
Est-ce parce que, encore une fois, et sans mauvais jeu de mots, nous nous sommes laissées marcher sur les pieds ?

Scoop: les médecins roulent au caviar, les infirmiers aux topinambours

Mais les inégalités ne s'arrêtent pas là. Alors que tout le monde paye l'essence au même prix, les indemnités kilométriques diffèrent selon les professions soignantes. En plaine, l'indemnité kilométrique d'un médecin s'élève à 0,61 euros par kilomètre, celle d'une sage-femme à 0,45 et celle d'une infirmière à 0,35. Cherchez l'erreur... Une différence de tarifs liées à la différence de cylindrée ?


Promotion de Noël du Ministère de la Santé: environ 600 000 dindes à prix réduit

Nous sommes décidément toujours le dindon de la farce, le pigeon sans ailes qui ne peut plus voler mais qu'on peut voler allègrement tant on l'a habitué à lui clouer le bec. La dernière roue du carrosse de Cendrillon, la roue crevée et crevée qui n'arrive plus à faire avancer la machine avant qu'elle ne se transforme en citrouille.


vos déplacements sont low cost ? Economisez donc vos pas !

S'attend t-on à ce que Easy jet offre les mêmes prestations qu'Air France? Non. Alors puisque mes pas sont low cost, je ne culpabiliserai pas le jour où je déciderai de trainer des pieds. Car quand je rentre le soir, les pattes enflées et meurtries, ce n'est pas les indemnités de déplacements qui vont me payer mes bas de contention et autres drainages lymphatiques.
Alors autant économiser mes pas. On ne pourra me le reprocher, les économies c'est l'excuse qu'on nous sert à toutes les sauces pour mieux nous faire digérer tout type de maltraitances, pour ne pas dire foutagee de gueule. Alors c'est sans gêne que j'utiliserai cette excuse si bien rodée quand on me cassera trop les pieds. 

                             Crazy little nurse (et son pied qui aujourd'hui, aimerait se réchauffer au cul du Ministère de la Santé)

Ici découvrez la coallition des IDE face aux injustices qu'on nous fait subir





dimanche 9 décembre 2012

Vous êtes une brave fille ? Devenez infirmiere !



Quand je lis ça :

Une personnalité de bonne-soeur dans un physique de hardeuse


Je ne peux m'empêcher de penser à ça :

Image du Blog notreclubdelecture.centerblog.net
Dans une vie antèrieure Lassie était infirmière...à moins que ce ne soit le contraire


Infirmières et Lassie chien fidèle : même combat!







Le secret medical ne tient qu'à un fil

les infirmieres et le telephone : une grande histoire de haine

Vendredi 7 Décembre, Jacintha Saldanha a été retrouvée morte dans son appartement. L'autopsie n'a pas encore eu lieu mais la thèse du suicide est la plus probable.

Jacintha c'est une infirmière. Victime d'un canular téléphonique par deux animateurs radio australiens, elle a transmis un appel, pensant avoir en ligne la Reine qui prenait des nouvelles de sa belle petite-fille, Kate Middleton, hospitalisée pour sa grossesse.

Je ne suis pas là pour écrire l'actualité, mais ce malheureux fait divers m'a plongé dans un sentiment de malaise.

À l'hôpital, c'est quotidiennement que nous donnons des nouvelles des patients hospitalisés par téléphone à leur famille.
Bien sûr, la plupart de nos patients ne sont pas des Kate Middleton et autres célébrités, ce qui diminue le risque d'appels malveillants.
Mais nous ne sommes pas à l'abris de nous retrouver malgré nous complices de manigances familiales, de ragots malsains, d'assureurs malhonnêtes.

Comment faire pour être certain de ne jamais trahir le secret médical ?

- Ne donner aucune nouvelles par téléphone ?
En théorie oui, en pratique s'interdire de rassurer une épouse angoissée sur l'opération que vient de subir son mari semble irréalisable.

- Demander au patient de désigner un interlocuteur unique, ce dernier ayant un mot de passe pour prouver son identité au téléphone ?
Ça peut être une idée, simple à mettre en place et qui aurait aussi le mérite de limiter le nombre d'appels en service.

Vous, comment réagissez-vous aux appels des proches du patient ?

Une pensée pour Jacintha. Je reste persuadée que ce canular n'est que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.


Propagande à l'APHP


L'APHP est certe très nulle en management, mais on ne peut pas en dire autant sur ses compétences en propagande.
Regardez un peu ça:



Voilà qui me donne envie de postuler tout de suite ! Un peu plus et ils se tenaient tous par la main pour faire une farandole. Mention spéciale aux blouses parfaitement blanches et amidonnées, sans nulle tache de Bétadine ou autre liquide non identifié. Bienvenue au Monde merveilleux de l'APHP!
Ça aura au moins eu le mérite de me tailler une franche bidonnade...

Étrangement les commentaires sont désactivés pour cette vidéo... Sont modestes à l'APHP, ils ont sûrement peur des compliments.

samedi 8 décembre 2012

De l'autre côté du miroir, le plus "beau" jour de ma vie

Maternité.

 Ce Jour-là c'est moi la patiente. J'ai perdu les eaux, enfin! Mon terme est largement dépassé. Les contractions commencent doucement.
J'arrive aux urgences, on me prend en charge rapidement. Je n'ai pas le temps de dire ouf que la sage-femme me place, non sans douleur, des mèches de prostaglandine sur le col pour qu'il s'ouvre plus vite. Elle m'envoie en chambre, me dit d'essayer de ne pas revenir en salle de travail avant 8h du matin. Il est 23h.

Dans la chambre je suis toute seule. Docile, j'endure en silence les contractions de plus en plus douloureuses. Je souffre, je souffle...

7h du matin, une aide-soignante entre dans ma chambre. Enfin une présence humaine!
-"vous avez bien dormi?" me demande t-elle. La pauvre n'a pas pu avoir de transmissions puisque personne n'est venu vérifier que tout allait bien de la nuit.
-"j'ai trop mal pour dormir", lui expliqué-je.
-"oh mais si vous avez mal il faut descendre en salle!"

Je descend en salle, pliée en deux. La sage-femme arrive, me torture encore un peu et appelle l'anesthésiste. Il arrive, je lui dis qu'on avait convenu en consultation qu'il me fallait une péridurale en PCA (pompe).
-"PCEA" me reprend t-il, sur le ton d'un maître à une petite fille qui n'aurait pas bien appris ses leçons.
-"non, je n'en fais plus" continue t-il.
-"et pourquoi ça?" osé-je
-" je trouve que c'est pas assez efficace".
Mais je m'en fiche moi de sentir un peu la douleur, je veux pouvoir contrôler au moins ça !
Mais mon avis, je sens vite que je n'ai pas le droit de le donner.

Je suis un utérus sur pattes qu'on doit accoucher. Vite, si possible.

Le grand maître me pose donc la péridurale tout en m'expliquant qu'il finit sa garde de 24h et qu'il vient d'avoir 4 césariennes coup sur coup.

Une autre-sage femme arrive avec une étudiante. Elle me pose une perfusion de cyto pour accélérer le travail.
- "comme vous avez perdu les eaux, on ne peut pas trainer."
Je suis sur le lit d'accouchement. À ma tête un grand chariot à tiroirs étiqueté "kits d'épisiotomies". Faites moi rêver...

Je me sens mal. Ma tension chute dangereusement, je suis à deux doigts du malaise. Je ne sens absolument plus mes jambes. Sensation très angoissante. Je me demande comment je vais arriver à accoucher dans ces conditions.

Je demande à la sage-femme de baisser le débit de la péridurale.
-"vous êtes déjà au minimum Madame".
C'est pas possible, le grand maître m'a mis une dose de cheval!
-" alors éteignez la, je ne peux plus continuer comme ça", dis-je en le maudissant de m'avoir refusé la pompe.

Le temps passe, les contractions me font mal mais je préfère ça à la sensation que j'avais sous péri.

Midi, énième auscultation. La sage femme est de plus en plus sèche avec moi. Le travail n'est pas assez rapide à son goût.

16h, je ne suis "qu'à" 6. Elle s'agace.
-"vos contractions, elles sont pas supers!" me dit-elle sur un ton de reproche.
Le monitoring est bon.

Elle ameute l'obstétricien qui m'ausculte à son tour. Elle ne sait pas si je suis à 6 ou 7, ça dépend de si je suis en train de contracter ou non. Je deviens alors spectatrice d'un débat entre elle, la sage femme et l'étudiante sur mon degré de dilatation. Le tout en m'auscultant chacune plusieurs fois à tour de rôle. Adieu dignité.

-" bon Madame (c'est à moi qu'on s'adresse?), si dans 30 minutes vous n'êtes pas à 10, on vous fait une césarienne. Le bébé est trop haut".

Je sais que les dés sont déjà jetés. Je demande à la sage femme de me rallumer alors la péridurale en vue de la césarienne.
"- mais Madame, faudrait savoir si vous avez mal ou non!" s'énerve t-elle franchement. Je n'ai même plus la force de la rembarrer. Elle le sait. Autrement elle ne se permettrait pas de me traiter comme ça.

Je demande à mon mari, qui depuis le début assiste aussi impuissant que moi au spectacle, d'aller chercher le sac de naissance à l'étage. Il en a pour cinq minutes tout au plus.
À peine est t-il sorti, qu'ils arrivent tous dans ma chambre.
-" bon ça n'a pas bougé, on passe au bloc", ils m'embarquent sans attendre le retour de mon mari. C'est ma première opération, j'ai peur. Peur de l'hémorragie, peur des complications. Je ne l'ai même pas embrassé avant qu'il ne monte chercher les affaires.

Je me retrouve au bloc. On m'attache les mains. Je tremble de peur. Une femme essaye de me rassurer, me caresse le front. C'est le premier geste de réconfort depuis que j'ai mis les pieds dans cette maternité.

On m'ouvre. Je n'ai pas mal mais je sens absolument tout. Très étrange comme sensation. J'ai soudain peur que mon bébé soit mort, je ne peux plus attendre de l'entendre crier. Les secondes semblent durer une éternité.

Un cri. Ouf! Suivi d'un commentaire de l'obstétricien :-"Oulala !"
-" quoi, il y a un problème?"
-" non, c'est un beau bébé c'est tout".
Les minutes passent. À travers le rideau j'entends le bébé pleurer. Je ne sais pas ce qu'ils font, personne ne me dit rien.

Enfin ils me le montrent. 10 secondes. Il a des petits poils sur les oreilles. On l'emmène retrouver le papa le temps qu'on me recouse.

Salle de réveil. Le père est là avec le bébé en peau à peau. L'infirmière me le pose sur le ventre. Il essaye de téter mais n'y parvient pas.

Le père sort se remettre de ses émotions et prévenir famille et amis. Je suis seule. De violentes douleurs au ventre ressurgissent, encore plus forte que les contractions que j'ai endurées. Ma tension baisse, je n'ai plus de force. Sur moi, la petite bête gesticule et cri. Ne pas la lâcher, quoi qu'il arrive ne pas lâcher le bébé, me répété-je comme un mantra.

J'ai mal, c'est insupportable. Pas de sonnette à portée de main. Une ASH passe dans le couloir.
-" s'il vous-plaît, prenez le bébé je vais le faire tomber. J'ai maaaal!"

15 minutes plus tard l'infirmière revient:
-" on m'a dit que vous aviez mal, sur une échelle de un à 10 vous êtes à combien?"
Je maudis cette échelle. Je suis à 10 et bien au delà, mais je les imagine déjà m'étiqueter comme celle ayant le syndrome méditerranéen.
- "7" je réponds alors.
L'infirmière me regarde d'un air sévère. Et merde, j'ai pas donné la bonne réponse!
-"7 ! C'est pas possible! Vous être sûre? "
-"5 peut être?"
-"oui c'est mieux, vous devez être entre 4 et 5 je pense".
Je comprends alors que le protocole morphine ou prévenir l'anesthésiste doit être à partir d'une douleur à 5.

Elle revient avec une perfusion de paracétamol. J'ai envie de pleurer, ou de rire, je ne sais plus.

20h30. Il est temps de me remonter en chambre. Ça fait près de 48h que je n'ai pas dormi, près de 24 h que je n'ai pas bu. Nous sommes en plein été. Un infirmier arrive. Il m'explique que les brancardiers ne veulent pas me monter car ils estiment que c'était à l'équipe de jour de le faire. Il est désolé, me dit qu'il va le faire lui dés qu'il aura 5 minutes.
Lui comme moi savons qu'il n'aura pas 5 minutes. Lui comme moi savons que ce n'est pas à lui de faire ça.

21h, un brancardier accepte finalement de m'emmener dans ma chambre.

Je suis épuisée. Épuisée par la douleur, épuisée par la soif. Je suis humiliée. Aujourd'hui je n'ai pas été traitée comme une personne. On m'a déshumanisé. Totalement. Tellement que je ne ressens rien. Tellement que quand je regarde mon bébé dormir dans son berceau, j'ai du mal à avoir conscience que c'est le mien. J'ai du mal à me souvenir qu'aujourd'hui, pour la première fois je suis devenue maman. Qu'aujourd'hui je suis censée avoir vécu le plus beau jour de ma vie.

Cliquer ici pour savoir comment survivre à l'hôpital en tant que soignant





mardi 4 décembre 2012

Une belle surprise avant Noël !

Ce matin notre ministre de la Santé va recevoir une belle surprise.

Un beau cadeau préparé par des milliers de gens.
Préparé avec amour et dévotion.
Car nous infirmières sommes de braves filles aimantes et dévouées n'est-ce pas ?

Vous êtes infirmier? Aide-soignant?
Vous ne savez pas de quoi je parle ?
Vous vous dîtes " elle aurait pas du enchaîner ses jours en psy la pauv'dame ? "
Vous vous demandez qui va se dévouer pour me faire interner?

C'est donc que vous avez un bon train de retard et qu'il est grand temps de rejoindre sur Facebook le groupe ni bonnes ni nonnes ni pigeonnes. C' est ici : https://www.facebook.com/groups/NiBonnesNiNonnesNiPigeonnes/

Vous saurez en exclusivité le cadeau que va recevoir Marisol et tout plein d'autres choses.

Ici, vous trouverez un poême dédié à Marisol Touraine



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dimanche 2 décembre 2012

Des tartes pour les infirmiers

Ou comment étouffer les revendications infirmieres ?



La gourmandise des infirmieres les perdra

Quand plus rien ne va dans un service de soins, apportez de la nourriture !

S'il y a bien une chose que nos patients et nos "chefs" ont compris c'est que les infirmiers sont gourmands. Après des années à se nourrir des plateaux-repas amoureusement préparés dans les cuisines de l'hôpital, l'infirmière devant un aliment goûteux et présentable est telle une jeune pucelle devant son prince charmant: l'eau à la bouche, son estomac se tordant de désir, elle ne répond plus de rien, elle oublie tout le reste.

Personnellement, j'aurai préféré qu'ils comprennent notre douleur, notre colère, notre frustration. Qu'ils soient assez fins pour savoir que ce n'est pas normal de se mettre en transe devant une boite de chocolats. Que notre gourmandise n'a d'égal que ce vide qui se creuse en nous au fil du temps pour finalement nous transformer en petits robots du soin.

Service de médecine, jour. Ça râle, ça râle, ça râle de plus en plus et de plus en plus fort chez les infirmières. Il y a quelques mois encore, ce service était très réputé, les conditions de travail bonnes. Trop bonnes pour nos dirigeants, ils ont supprimé, "omit de remplacer", un poste d'aide-soignant et un poste d'infirmier par équipe. Alors forcément, maintenant on court partout, on délaisse les patients qui sont d'ailleurs de plus en plus nombreux, tarification à l'acte oblige. L'idée de vider sa vessie ou de boire un verre d'eau devient une douce utopie.

Mais c'est sans compter sur notre bon chef de service qui a flairé que sa côte de popularité descendait en flèche. Il nous convoque donc à 13h pour une réunion exceptionnelle. Enfin nous allons être entendues, il va comprendre l'impossibilité et surtout la dangerosité pour les patients de continuer dans ces conditions.

Nous nous présentons donc à 13h tapante en salle de repos, prêtes à en découdre.

Sur la table, un buffet digne d'un jour de fête : des petits fours, des entrées, de la viande, du champagne pas du plus mauvais cru, deux grosses et belles tartes.

Le professeur nous fait son petit discours, il est ravi, que dis-je, fier, il est FIER de son équipe d'infirmières qui malgré les difficultés actuelles parviennent à fournir un travail d'une qualité exceeeeptionneeeelle ! Mais ne perdons pas plus de temps en paroles, mangeons!

Que répondre à ça, merci papa ?

vous l'avez déjà compris, cortiqués que vous êtes, que les plats m'ont laissé un goût amer.

Je les ai entendus, les chefs de clinique, expliquer à leurs externes fraîchement débarqués qu'il fallait se mettre les "petites" infirmières dans la poche, et que pour ce faire, rien de tel que d'amener les croissants de temps à autre.

Étouffer la rage qu'on a dans le ventre à coup de nourriture.

La bouffe c'est notre Inexium, notre Mopral, notre Inipomp à nous. Notre IPC, inhibiteur de la pompe à colère. Nous sommes comme des fauves en cage à qui on jette un bout de viande pour ne pas qu'ils mordent. Nous sommes comme des otaries de cirque bien dréssées qu'on récompense d'un poisson frais après avoir effectué moults acrobaties.

Les deux grosses tartes restent particulièrement gravées dans ma mémoire. Quel choix symbolique ! Et sur deux niveaux qui plus est ! Du grand art, un coup de maître. Était-ce conscient ? Un acte manqué ?

Les infirmières ce jour là ont quitté le service le sourire aux lèvres, repues, enorgueillies par les compliments du chef. Apaisées jusqu'au prochain banquet.

Je ne travaille plus dans ce service, mais la période de Noël étant arrivée, quelque chose me dit qu'on leur servira des huîtres.

Pour un autre témoignage sur la manière dont on se fiche de la tête des IDE, cliquez ici

jeudi 29 novembre 2012

À l'hopital les économies finissent en bain de sang

Ou comment les economies à l'hopital peuvent mettre les patients en danger.



Les dangers des restrictions budgétaires à l'hopital

Service de chirurgie d'un CHU. La nuit. Seize patients, la moitié en isolement pour bactéries multirésistantes (infection nosocomiale? Le mot est tabou.)

Une infirmière, une étudiante. D'habitude il y a une aide-soignante, mais "ils" l'ont placée dans un autre service, la stagiaire pouvant faire son boulot.
 L'encadrement ? La responsabilité ? Ça demande du temps et du personnel alors autant s'asseoir sur ce coussin rempli de billets grâce à toutes ces petites économies. Il fait mal aux fesses le coussin, mais on met parfois un peu de temps pour s'en apercevoir.

Ce soir là, j'ai entre autre une perfusion d'antibio à poser. Soin banal, ordinaire. De ces soins les plus dangereux finalement tant on le fait par automatisme.

 Je vais voir mon patient, allume la veilleuse et pose la perfusion en Y sur le robinet. On papote un peu, de tout de rien, la nuit, loin des tumultes de la journées, les angoisses reprennent le dessus et les langues se démêlent. Je m'apprête à quitter la chambre du patient quand soudain ce dernier m'interpelle : " qu'est ce qu'il se passe ? C'est normal ça ?" Il me montre son bras, du sang remonte dans la tubulure jusqu'au robinet.

J'accoure, je clampe tout, essaye de comprendre d'où vient le problème: le patient n'a pas malencontreusement été perfusé en artériel (si, si ça arrive!), la tubulure est bien vissée au bout du robinet. Tout à l'air d'être en place. J'allume la grande lumière pour y voir plus clair, et là je vois l'étendu des dégâts : de grosses tâches de sang sur le lit, une marre de sang sur le sol. Je ne sais pas qui de moi ou du patient est le plus blême. Je le déperfuse, prend ses constantes, le surveille: le patient se porte bien.

Dans le poste de soins, j'examine "à la loupe" le dispositif de perfusion : là au niveau du robinet, sur la partie en plastique dur, une minuscule fissure et un trou. Le robinet était cassé, créant un appel d'air qui aspirait le sang du patient. Je suis survoltée, nous avions déjà signalé que ces nouvelles tubulures, achetées quelques centimes moins chères que les précédentes, étaient de mauvaise qualité, le débit soit trop lent, soit trop rapide étant impossible à régler correctement. Je fais part de l'incident à la cadre qui ne veut rien savoir, c'est moi qui ne sait pas me servir d'un robinet et qui l'ai cassé. C'est vrai que j'ai l'air d'une grosse brute avec mes 50 kg toute mouillée et j'ai certainement la force de Hulk puisqu'on attend de moi que je mobilise toute seule des patients de 150 kg. Quand bien même avais-je cassé le robinet, est ce normal qu'un dispositif médical puisse se détériorer si facilement sans que l'on s'en apperçoive ? On s'en fou c'est le moins chère!

Et si je n'étais pas restée avec le patient ce soir là ? S'il s'était endormi sans se rendre compte de rien ? S'il avait fait un malaise avant de pouvoir m'appeler ? Je l'aurai retrouvé quelques heures plus tard, mort, gisant dans son sang. Tout ça pour un micro-trou dans un robinet de tubulure. Tout ça pour quelques économies aux dépens de notre santé et de notre sécurité.

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mardi 27 novembre 2012

Trois petites minutes

Poème d'une infirmiere à Marisol Touraine



la Ministre de la santé n'accorde pas de temps aux infirmiers

C'est le temps qu'on met à se brosser les dents.
C'est le temps d'intervalle entre deux métro.
C'est le temps de cuisson des nouilles chinoises.
C'est le temps qu'il ne faut surtout pas dépasser dans la prise en charge d'un arrêt cardiaque.
C'est le temps que nous a accordé Marisol cet après-midi pour répondre ( et de plus très mal) à notre détresse.
Marisol, si un jour tu te retrouves au bout de mon aiguille, je n'aurai probablement pas plus de trois minutes pour te soigner.

Pour en savoir plus sur Marisol Touraine et sa vision de la profession infirmière
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lundi 26 novembre 2012

Les infirmiers ont-ils du cœur ?

Ou comment les infirmiers parviennent-ils à supporter la souffrance de l'autre ?


Le coeur des infirmiers


À chaque concours d'entrée en IFSI, les étudiants expliquent invariablement quand on leur demande leurs motivations qu'ils veulent être infirmier pour le côté humain du métier, parce qu'ils aiment aider les gens.

Souvent quand les gens apprennent notre métier ils nous disent des choses comme "vous avez du courage", "heureusement qu'il y a des gens comme vous" et le classique "vous faites un beau métier...moi je ne pourrais pas".
Toutes ces louanges en deviennent tantôt gênantes, parfois exaspérantes, même si au fond un petit compliment ça fait toujours plaisir.

Un jour une patiente m'a dit quelque chose d'assez inhabituel : " je ne comprends pas comment vous pouvez vouloir être infirmière, il faut vraiment ne pas avoir de cœur pour supporter toute cette douleur et cette souffrance".

Cette phrase m'a fait l'effet d'un électrochoc.
J'y repense souvent. Quelle genre de personne suis-je pour effectivement supporter tout ça?

Dans ce lien, un regard sur le personnel soignant à la place du patient

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dimanche 25 novembre 2012

C'est bien connu les infirmieres sont toutes des cochonnes


Le fantasme de l'infirmiere a la vie dure


Scène de violence ordinaire sur fond de misère sociale à l'hôpital.

Service de médecine, de plus en plus service d'hébergement .
On reçoit un patient sdf comme tant d'autre. Il vient d'Europe de l'Est, a espéré que l'herbe serait plus verte à l'Ouest. Il ne parle pas français mais a tellement vagabondé pour fuire la misère qu'il arrive à se débrouiller en allemand et italien. On va se débrouiller.

Il est plutôt jeune, a été admis pour une plaie au visage qui s'infectait méchamment. Après trois mois de travail au noir, plus de 14 h par jour sur des chantiers, son boss lui a dit qu'il ne pouvait pas le payer. Parfait exemple d'esclavage moderne au pays des droits de l'Homme. Ça s'est finit en bagarre, il a terminé à l'hôpital.

Ça c'était pour poser le tableau.
 Mais que viennent faire les infirmières cochonnes là dedans me direz-vous? Ne soyez pas si impatients, j'y arrive.

Donc ce patient, on lui fait tout un tas de bilans sanguins dont une sérologie VIH-HVC. Le problème c'est qu'il faut obtenir un consentement éclairé du patient pour ce genre de tests et qu'avec la barrière de la langue, c'est pas évident de lui expliquer au monsieur. Je parviens à mes fins après moult dessins et explications avec mes restes d'allemand et de yaourt italien. Il à l'air d'avoir compris et accepte le test. Il est particulièrement agréable avec moi, naïvement je pense qu'il a apprécié que je prenne le temps de lui donner des explications.

 Ce n'est que le lendemain, quand sa petite amie a débarqué complètement hystérique dans le service, me jetant une bouteille de bière au visage que mon cerveau a commencé à faire tilt. Très vite la cadre intervient et tente de calmer la dame, lui demande ce qu'il la met en colère : " c'est l'infirmière, elle baise avec mon mari! " j'en reste les bras ballants, la cadre lui demande ce qui lui fait dire ça : " elle a fait le test du sida à mon copain pour savoir si elle pouvait le faire sans risques! " Autant dire que je ne me suis plus occupé de ce patient.

Ps: pour ceux qui auraient tapé infirmières cochonnes sur Google, désolée, vous devez être déçus !
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Je n'ai pas le temps pour que vous mourriez aujourd'hui

Ou comment prendre correctement soin d'un patient en fin de vie quand on est débordé de travail ?

Je suis exploitable, heu, infirmière à domicile.
J'ai un patient qui est condamné, une douloureuse maladie iatrogène.
Tous les jours je me demande dans quel état je vais le retrouver. Son état se dégrade lentement, je l'ai connu en forme sur ses deux jambes pour finir grabataire. Ce matin là, comme tous les matins, c'est sa compagne qui m'ouvre la porte. Mais ce matin elle tremble, elle pleure : " c'est la fin " me dit-elle.
Elle a des cernes jusqu'au menton, elle l'a veillé toute la nuit dans l'angoisse de l'attente du dernier souffle. Elle a appelé le médecin de garde qui lui a prescrit un bilan sanguin, un ECBU avec antibiogramme à faire le Lundi. Nous sommes Samedi. En raison de sa maladie, le monsieur ne peut prendre aucun médicament.

Je vais voir le patient, il est dans le coma, une tension à 6 et un pouls à 40 qui n'essaye même plus de compenser l'hypotension. Le beau-fils arrive, rassure sa mère sur le fait que son compagnon va survivre. Elle me regarde de ses grands yeux tristes, attend une réponse de ma part. Une réponse que mon statut m'interdit de donner. Seul un médecin peut se prononcer sur le pronostic vital d'un patient.

Ne sachant plus que faire pour son compagnon, elle me demande si on peut le réveiller pour le mettre au fauteuil. Elle pense que ça lui fera du bien. Comment lui dire l'indicible ? Je lui dis qu'au moins quand il dort il ne ressent pas la douleur de sa maladie, alors mieux vaut le laisser au lit. Je me sens plus que nulle. Je voudrais rester avec cette dame et son fils, les accompagner jusqu'à la fin.

Je sors pour téléphoner au chef et lui faire part de la situation, il me reste une dizaine de patients à voir, ne peut-on pas trouver une solution pour que je reste avec cette petite famille ? Réponse négative, personne pour me remplacer. Tout ce qu'il peut faire c'est prendre rendez-vous avec l'équipe de soins palliatifs. Une équipe inconnue, sur les épaules de laquelle la compagne n'osera certainement pas pleurer. Une équipe débordée qui arrivera sans doute trop tard.

Je retourne chez mon patient. Je reste un maximum de temps, quand je sors il respire toujours mais je sais que c'est la dernière fois que je le vois.
Il est mort le lendemain matin et laissera à vie dans un coin de ma tête un sentiment d'impuissance, de colère de ne même pas avoir le temps d'être là dans les moments les plus difficiles, la certitude d'être par la force des choses une mauvaise infirmière.

Découvrez ici un autre témoignage sur la prise en charge d'une patiente en fin de vie

Les infirmiers au chômage


Qui a dit que les infirmieres ne connaissaient pas la crise ?

Pôle emploi : le nouveau quartier général des infirmières


Une rumeur qui enfle


Il circule des bruits bien étranges : de plus en plus d'infirmiers seraient au chômage. Dans ma région ce n'est pas le cas, normal personne ne veut y habiter et le salaire d'un infirmier ne permet même pas de se louer un studio de 12 m² . Mais voilà, de région j'avais justement prévu d'en changer, pour aller vivre dans une ville à taille humaine, ne plus dormir dans le salon, pouvoir me payer le chauffage quand il fait froid, manger autre chose que des pâtes et ne plus passer 10 h par semaines (quand tout va bien) dans les transports le nez à hauteur d'aisselles et le popotin à hauteur de mains. Bref rien d'extravagant comme projet, juste le minimum syndical que mériterait toute personne qui bosse.


Je me disais qu'avec mon boulot, à part peut être en Bretagne, je n'aurai pas de mal à trouver ailleurs. J'ai commencé par faire des recherches du côté de l'énorme CHRU de la ville que je convoitais : pas de postes. Je regarde les cliniques: pas de postes. Les Epahd ? Oui quelques postes avec les conditions que vous connaissez. Oh une offre pour bosser en entreprise! Oh 15000 euros brut par an! Oh mais ça ferait pas moins de 1000 net par mois ça? Je serai mieux payée chez Mcdo.

Je commence à sérieusement m'inquiéter quand je tombe sur deux articles sur un célèbre site de la communauté infirmière : il y a bien du chômage dans notre métier. Sur le forum du même site, des tas de membres disent ne pas trouver de travail. Sur Facebook un groupe est créé. Je tombe des nues, je ne comprends pas. La population n'est t-elle pas vieillissante ? Ne parle t-on pas partout de conditions désastreuses de travail dans les hôpitaux à cause du manque de personnel? 


À qui la faute ?

Si, et c'est de plus en plus le cas. Mais s'il y a bien une profession qu'on peut maltraiter sans bruit, c'est la notre. Les infirmiers ont accepté pendant des années de faire le travail pour deux voire trois personnes, de remplacer au passage le brancardier, l'ASH et la secrétaire. On les use jusqu'à la moelle, mais victimes de leur conscience professionnelle, ils continuent à courber l'échine parce qu'au bout de cette machine infernale il y a un patient qui souffre. Alors les structures de soins ont pris l'habitude à ce que le travail de trois personnes soit fait par une seule. Dans ce cas pourquoi embaucher ? Le travail risquerait-il d'être mal fait si on n'embauchait pas ? C'est pas grave on fera des économies. Se pourrait t-il que l'insuffisance de personnel soignant augmente le taux d'erreurs médicales conduisant au décès? Pas grave, notre larbin ira en prison et on en embauchera un tout frais corvéable à merci, bien trop content de trouver du travail. On pourra même baisser son salaire au passage. 


Un effet pervers qui profite à nos directions des soins

Effet domino, les infirmiers ne trouvant pas de travail postulent pour des postes d'aides-soignants, ces derniers risquant alors aussi de ne plus trouver de travail.
Encore plus pervers, les directeurs de soins jubilent de cette situation et se font un plaisir d'embaucher un infirmier en tant qu'AS , il coûte moins cher et le malheureux encore et toujours appitoyé sur le sort des patients ne pourra s'empêcher de faire en plus le travail de l'infirmier manquant.

Les hôpitaux ont trouvé la bonne manœuvre : pour le salaire d'un aide-soignant vous avez un aide-soignant et un infirmier ( et une femme de ménage, un brancardier, une secrétaire...)

Comment ont-ils reussi à faire accepter aux infirmiers cette situation ?

Connaissez-vous l'histoire de la marmite qui chauffe?
C'est une grenouille qu'on plonge dans une marmite d'eau froide. On pose la marmite sur un feu très doux. L'eau chauffe de plus en plus mais tellement lentement que cette pauvre grenouille s'y habitue et ne voit pas le danger arriver. Elle meurt ébouillantée.
Nous sommes exactement comme cette grenouille, à accepter de plus en plus de choses. Nous sommes en partie responsable de cette situation car qui ne dit rien consent. Il est grand temps de se réveiller chers collègues, exigeons un nombre de patients maximum par infirmier dans tous les services, refusons de faire le travail des autres, ne faisons plus d'heures supplémentaires ou alors payées en tant que telles et volontairement
. Il faut une action coup de poing, il faut faire le buzz. Pas le droit de grève? N'allez pas au travail avec une pancarte en grève sur le dos, mais allez travailler avec une blouse de patient sur le dos. Car oui ce système est en train de nous tuer à petit feu, de nous rendre malades et par la même occasion nous empêche de soigner ceux qui en ont besoin.
Les infirmiers ont une espérance de vie de sept à huit ans inférieure à la population générale, à ce rythme là notre espérance de vie va encore diminuer.
Élevons nos voix avant qu'il ne soit trop tard!

La région parisienne ne sera jamais touchée par le chômage infirmier, découvrez ici pourquoi

samedi 24 novembre 2012

L'entreprise c'est comme une grande famille !



Je travaille dans un service de soins à domicile.
Nous sommes trois infirmières et une trentaine d'aides-soignants. Avec une collègue infirmière nous nous apercevons très vite des traitements de faveur dont bénéficient les aides-soignants : peu de patients à prendre en charge, tournée très rapide car tous les patient habitent dans le même quartier voire dans la même rue, possibilité de commencer plus tard, terminer plus tôt sans que jamais ça ne leur soit reproché.

Discrimination sexuelle à l'hôpital

La profession infirmiere n'est pas épargnée.


La profession infirmière est très largement représentée par des femmes, et pourtant là aussi le sexisme bat son plein.
Combien de fois ai-je envié mes collègues masculins pour tout ce qu'ils pouvaient se permettre et cela dés les études ?
 En vrac quelques petites anecdotes:

dimanche 18 novembre 2012

Il fallait faire de la finance ma pauvre dame!

Ou comment culpabilise t-on les infirmières pour leur faire accepter leurs conditions de travail.


une infirmiere n'a pas besoin d'argent



Annonce de pôle emploi pour un poste d'infirmière à domicile, 7h par jour, une dizaine de patients maxi, salaire minimum à 2300 brut. Je postule, je suis embauchée.

D'emblée le salaire se transforme en1500 net, bref passons. Les horaires sont coupées d'une pause de 3h entre 12h et 15h : ok je suis conciliante j'aime bien faire la sieste et j'ai le temps de repasser par chez moi.

La dizaine de patients se transforme en 20 à 24 patients par jour. La tournée à pied (donc pas d'indemnités de transport ou d'essence) s'avère impossible à réaliser dans le temps imparti tant les patients sont éloignés les uns des autres géographiquement.... Je commence à avoir mal aux dents à force de les serrer et la moutarde me monte fortement au nez. Je demande un rendez-vous avec la directrice pour lui faire part de ces problèmes.

dimanche 11 novembre 2012

La ronronthérapie

Ou comment les chats peuvent participer aux soins de confort des malades en fin de vie.

Les ronrons d'un chat seront toujours plus efficaces que la curette d'une infirmiere

C'est une dame très âgée à qui je dois rendre visite tous les jours pour refaire un pansement.
Elle vit seule sur un lit d'hôpital au milieu de son salon.
Elle ne peut presque plus bouger ni parler, les AVC ont eu raison de sa santé.
Autour d'elle, de multiples photos témoignent de sa vie d'avant : une belle dame, active, entourée d'une famille et d'amis aimants.
Elle a encore son regard bleu perçant.

Je me demande ce qu'elle ressent, ce qu'elle entend, ce qu'elle comprend de sa situation.
Des mois qu'elle est immobilisée dans son lit, aucun espoir d'amélioration de sa santé.
Alors tous les jours j'essaye de lui faire la conversation même si je n'ai pas de réponse.
Je lui parle de la pluie, du beau temps, de l'actualité. Parfois son regard s'illumine et m'encourage à continuer ce monologue difficile.

Un jour, je retrouve ma Dame comme d'habitude dans son lit mais accompagnée d'un compagnon à moustaches : son chat.
 Il est là, allongé sur son ventre, tout ronron, les yeux plongés dans les siens. J'hésite un quart de seconde puis me ravise : pas de pansement aujourd'hui, ça attendra demain. Je ne veux pas chasser le chat, je suis convaincue que ses câlins et ses ronronnements sont mille fois plus bénéfiques pour elle que ma torture quotidienne, et vue son état général, le confort doit primer sur le reste.

J'explique ma décision à ma patiente, espérant qu'elle me comprenne.
Elle me regarde, me tend difficilement son seul bras valide, m'agrippe la main et me l'embrasse.
Plus de doute, elle m'a comprise.
Plus de doute, j'ai fais le bon choix.

Bien sûr je n'ai pas respecté le protocole et certains de mes chers collègues n'hésiteront pas à dénoncer mon manque de professionnalisme au "chef".
Mais franchement, qu'auriez- vous fait à ma place?

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samedi 10 novembre 2012

Hôpital: guide de survie en milieu hostile




Prenez garde aux sols glissants de l'hopital

Quelques règles de survie à mémoriser pour quiconque débuterait à l'hôpital:

- Présentez-vous, tout le temps à tout le monde, même si ce n'est pas le moment, même si personne ne fera l'effort de se rappeler de votre prénom (sauf pour vous demander de faire un remplacement le week-end).                                                                                                                                              

- Apportez du café et ce dés les premiers jours.

- Inventez-vous une grand-tante grabataire à qui vous allez rendre visite lorsque vous ne travaillez pas si vous ne voulez pas être systématiquement rappelé sur vos jours de repos/congé. Ça marche aussi avec un enfant cancéreux ou un mari tétraplégique. Si vous n'avez pas de bonne excuse, on vous reprochera de ne pas avoir l'esprit d'équipe.
                                                                                                                                                                        - Il y a toujours une infirmière qu'il faut se mettre dans la poche, afin d'éviter que ne circulent d'horribles rumeurs sur vous. Identifiez là au plus vite. Elle s'appelle souvent Martine, Françoise ou Véronique (ne me demandez pas pourquoi, j'essaye toujours de percer le mystère). Elle a au moins 10 ans de boîte, tout le monde la déteste mais tout le monde fait semblant de l'aaaaaaadorer et lui parle sur un ton mielleux. Elle arrive à 8h30 après la tempête et repart à 16h. (Je vois dans vos yeux que vous voyez de qui je parle).Elle a tous ses mercredi (ba oui pour s'occuper de ses 2 enfants, grands les enfants hein!) et ne travaille presque jamais le week-end-end. Elle sait tout sur tout, refuse le progrès, déteste les jeunes infirmière et ne donne jamais les antalgiques au patient (surtout quand il s'agit de la morphine) parce que "il-fait-de-la-comédie-il-a-pas-si-mal-que-ça".
 Elle a sa place attitrée dans la salle de repos (qu'elle squatte allègrement) et est très copine avec la cadre. Celle-là, ne vous mettez jamais mal avec elle. Jamais!
Certains l'ont fait, ils ne sont plus là pour en témoigner.

- Quand vous prenez votre petit-déjeuner dans la salle de repos, tapissez préalablement la table d'essuies-mains pour ne pas la salir. Quand vous avez terminé votre bout de pain sec, regroupez méthodiquement les essuies-mains entre eux de façon à ne pas faire tomber une miette puis nettoyez ostensiblement et vigoureusement la table à coup de désinfectant bactéricide et virucide. Même si elle est parfaitement propre, ne vous posez pas de questions: nettoyez-là encore et encore ! Martine is watching you !

- Même si vous mourrez de soif à force de courir partout et de faire le boulot pour trois (le votre, celui de l'infirmière absente et celui de Martine/Françoise/Véronique), ne buvez pas trop, vous n'aurez pas le temps d'aller aux toilettes: mieux vaut attraper une bonne vieille infection urinaire qui se transformera en insuffisance rénale faute de soins, que de vous retrouvez à vous dandiner une jambe sur l'autre en pleine pose d'un cathéter d'un patient au capital veineux désertique.

- N'appelez jamais l'interne de garde sauf si votre patient est mourant, débrouillez-vous. Vous n'arrivez pas à déchiffrer sa prescription ? Demandez à Martine, elle sait tout et se fera un plaisir de vous montrer sa supèriorité.

- Ayez tout un lot de stylos quatre couleurs. Non seulement on vous les volera l'air de rien très régulièrement, mais en plus, le seul que vous arriverez à garder accroché à votre blouse, vous le ferez tomber dans la cuvette des toilettes en essayant de faire pipi en moins de 10 secondes (pour ceux qui n'auraient pas suivi mon conseil plus haut).

- Ne vous asseyez jamais à côté du téléphone. Vous comprendrez très vite pourquoi.

- Ne vous asseyez jamais sur le siège de Martine. Vous comprendrez très vite pourquoi.

- Ne vous asseyez jamais, ça vous évitera de faire une boulette.

- Quand vous vous déplacez dans les couloirs, même si ce n'est que pour aller voir votre planing, ayez toujours un tensiomètre à la main ou un dossier, encore mieux, les deux à la fois. Avancez d'un pas rapide avec un air débordé que vous aurez préalablement travaillé devant votre miroir. C'est ce qui s'appelle brasser du vent, et à mon grand étonnement ça marche (Cf Martine).

                                                                                                                                                                 N'hésitez-pas à compléter cette liste, elle peut être très utile et éviter maintes humiliations suprêmes dans notre beau microcosme qu'est l'hôpital.

Ps : aucune Martine n'a été bléssée pendant l'écriture de ce billet.

En cliquant ici, vous apprendrez à cerner vos collègues en un clin d'oeil