samedi 22 décembre 2012

Dans l'enfer des EHPAD courent des héroïnes



Publicité mensongère : un EHPAD c'est tout sauf ça


Il y a bien une chose qui m'a toujours horripilé au point de ressembler à un orang-outang en colère : ce prestige qu'on rend aux infirmières des services de réanimation et d'urgence face au mépris des infirmières de gériatrie .
Il est certain que dire que l'on travaille avec les vieux est beaucoup moins "glamour" dans l'esprit général que de s'apparenter à une infirmière de série américaine qui, in extremis, ressuscite une jeune patiente victime d'un crash d'avion (quoi que dans les séries US c'est plutôt les médecins qui sont sur tous les fronts).
Imaginez un peu le scénario en maison de retraite :
- une fausse route chambre 332! Vite une manœuvre de Hemlich!
- tout de suite ! Mais qui va s'occuper du globe vésical de la 421 ? On n'a pas de temps à perdre sa vessie est sur le point d'exploser!
- infirmière! Une chute en 339, fracture du fémur ouverte, la patiente est en hémorragie!
- le patient de la 142 a fugué! Pourquoi ne l'avez-vous pas surveillé ? Là c'est le blâme !

Ça donnerait un peu près ça et ça serait plus proche de la réalité que Urgences ou autre Grey's anatomy.
Alors mince, je ne suis pas là pour casser du sucre sur le dos des infirmières de réa-urgences, leur travail a aussi ses difficultés et est tout aussi utile que les autres. Mais par pitié cessez d'assimiler infirmière en réa à super infirmière et infirmière en EHPAD à infirmière ratée !

Personnellement, la première fois que j'ai mis les pieds dans un EHPAD en tant qu'étudiante je me suis dit : "alors l'enfer c'est ça !" 100 patients, la moitié de totalement dépendants, une trentaine d'Alzheimer, le tout pour deux infirmières dont une en congé maternité, il va sans dire non remplacé, une dizaine d'auxiliaires-de-vie. J'avais déjà vu des personnes âgées et je connaissais les difficultés liées à l'âge, mais jamais dans cet état là. Les vieux qui sont en EHPAD, vous ne les croiserez jamais à l'extérieur.

J'ai perdu 5kg en 4 semaines, les soins se faisaient à la chaîne, faute de pouvoir faire autrement. La moindre urgence et c'était 3h supplémentaires assurées sur une journée déjà bien longue. Et les urgences sont quotidiennes chez les personnes du 4ème âge, mais en EHPAD vous n'avez ni médecin réanimateur ni matériel adapté sous la main pour les gérer. C'est vous, votre tête et votre bon sens. Ajouter à cela les multiples manutentions qui vous abîment le dos, le manque de gants pour manipuler des gens souvent souillés d'urines et de selles, les griffures, morsures, crachats, étranglements des patients déments, l'agressivité des familles qui trouvent qu'on ne passe pas assez de temps avec leur proche...
 Sans parler de la confrontation quotidienne avec la mort et pire, la dégénérescence qui sans cesse vous rappelle que vous aussi vous risquez de terminer comme ça.
Vraiment, je serai incapable de tenir plus de deux mois dans ces conditions.

Et à l'intérieur de tout ça, des infirmières, des aides-soignantes, qui parviennent à apporter à ce tableau apocalyptique une once d'humanité: un sourire, un bisou, un mot gentil, la page du calendrier tournée au bon jour... Ça paraît tellement insignifiant vu de l'extérieur, mais croyez-moi, dans tout ce tumulte, ces petites attentions, peu de gens penseraient encore à les avoir.
Alors quand j'entends une cadre menacer une infirmière de la mettre en gériatrie long séjour parce qu'elle ne fait pas bien son travail, j'ai envie de hurler, de l'attraper par la queue de cheval et de faire du tourniquet avec.

Les soignantes en EHPAD resteront pour moi des héroïnes des temps modernes...

Cliquez sur ce lien pour un point de vue plus humoristique sur la gériatrie

lundi 17 décembre 2012

Infirmier SDF

Ou comment se loger à paris et en Ile-de -France avec un salaire infirmier ?

Paris et sa magnifique architecture

Infirmier à Paris cherche logement sans rats, sans cafards et sans fuites d'eau (minimum de salubrité demandé en raison des exigences d'hygiène du métier). Si possible avec douche et wc à l'intérieur pour se débarrasser efficacement des divers virus et bactéries importés de l'hôpital. Idéalement situé à 1h maximum de la capitale en raison des horaires décalés. Coupe-gorge exclu, ayant eu son lot d'agressions physiques, verbales et psychiques sur son lieu de travail. Loyer maximum à 500 euros charges comprises, soit 1/3 du salaire conformément à la Loi Boutin. Bailleurs de boxes ou de garages s'abstenir. proposition de van aménagé ou place de camping à réfléchir.

Ba dis donc il est exigeant celui-là!

Je suis étonnée de ne pas être encore tombée sur une annonce de ce genre. Ça ne saurait tarder. La flambée de l'immobilier est un réel problème pour la profession infirmière dont le salaire ne permet plus de se loger dans certaines grandes villes, voire dans toute une région (île De France). Il va sans dire que les infirmiers sont bien trop "riches" pour bénéficier d'un logement social
d'où peut-être l'exode en Suisse de certains soignants français.
Je me souviens avoir évoqué ma réticence à "m'engager" pour l'APHP auprès d'une directrice de soins pour cette raison.

Pas de problème, vous appelez ce numéro de ma part et dés que vous signez je m'engage à ce qu'on vous affecte un appartement !

En voilà une nouvelle qu'elle est bonne, mais à moi on ne me la fait pas, ça sent le fécalome à plein nez !
À tout hasard j'appelle le numéro magique. Une femme me répond sur un ton blasé, je l'imagine à l'autre bout du fil, dans son bureau poussiéreux, habillée Camif de la tête au pied (oui j'ai décidé qu'elle n'avait qu'un pied): les dits appartements sont des studios de 20m2, pour en bénéficier il faut être célibataire, sans enfant et sans chat (on tolérera exceptionnellement Raoul le poisson rouge), il ne faut avoir aucune famille dans la région et nous sommes priés de quitter les lieux six mois plus tard, un an avec dérogation. Loyer 450 euros.
Quelle sélection pour l'administration française qui est censée posséder le plus gros patrimoine immobilier ! Il faut dire que nous sommes tellement nombreux à être à la rue qu'il a bien fallu poser des critères.
Alors comment faire ?
Épouser un homme/femme riche ? So rétro, so pathétique
ma chère Monique
La colocation ? Ça va un temps mais à trente ans se faire un remake quotidien de L'auberge Espagnole, très peu pour moi.
Retourner vivre chez les parents ? Pas de remake, on a dit pas de remake, Tanguy non merci!
Vivre en Normandie/Picardie/Eure et Loire ? C'est possible (bien qu'épuisant au niveau du temps de transports) quand on a des horaires de bureau.
Partir ? C'est encore la seule solution envisageable, encore faut-il trouver du boulot ( cf Les infirmiers au chômage )

On a longtemps parler d'exode rural, préparez vous à l'exode urbain (les infirmiers n'étant bien entendu pas les seules à s'asphyxier le porte-monnaie dans les grandes villes).
À l'heure où Marisol Touraine tente de convaincre les médecins de s'installer dans les déserts médicaux à grands coups de billets, elle ne voit et ne prévoit pas la fuite des infirmiers vers des endroits où leur salaire leur permettra de vivre et non de survivre.
L'APHP, qui se réveille dix ans trop tard, commence à plancher sur le sujet comme vous pouvez le voir dans l'article mis en lien ci- dessous:
Des logements pour les infirmières de l'APHP
Mais attendez une minute...
N'est-ce pas l'APHP qui a revendu une grande partie de son patrimoine immobilier en 2011?
N'est-ce pas l'APHP qui préfère attribuer ses vrais appartements à ses plus hauts fonctionnaires, laissant les infirmières, aides-soignantes et tous les "bas salaires" de l'hôpital sur le trottoir?

Espérons une prise de conscience rapide, pas seulement de notre institution mais de tout le gouvernement. Une réelle baisse des loyers, une interdiction de la spéculation immobilière par les riches investisseurs, spéculation qui met tous les jours plus de gens dehors. Si des mesures ne sont pas prises maintenant, certains le paieront chers dans 10 ans et pas forcément ceux qu'on croit...imaginez un peu toute une région de cols blancs... Plus de professions intermédiaires, plus de services, plus d'ouvriers...Ils devront alors nous payer à prix d'or pour qu'on revienne travailler auprès d'eux. Ils se rendront vite compte que sans tous les corps de métiers, plus de travail possible, donc plus de fric. Plus personne pour entretenir les routes, les bureaux, plus d'écoles, plus de crèches, plus de bus, de train, de nounous, de restaurateurs... Tous les mal payés, enfin surtout mal logés auront fuit la capitale. Paris ressemblera à....oh mon Dieu...au Luxembourg ! En plus pollué....

Alors Messieurs les énarques, pour une fois voyez un peu plus loin que la fin de votre mandat, si vous voulez faire de vraies économies à long terme, il va falloir mettre la main au porte-monnaie maintenant et permettre aux nouvelles générations franciliennes appartenant aux classes moyennes et ouvrières de se loger.

Cliquez ici pour visionner les méthodes de propagande de l'APHP