Ou comment apprendre à cerner votre patient en un clin d'oeil
Qui se cache derrière ce patient ? |
Vous avez appris à jongler avec les différents profils des infirmières et à survivre dans jungle hospitalière. Reste à voir le plus gros du travail, celui pour lequel on est là : le patient. Il y a celui qui nous émeut, celui qui nous fait rire, celui auquel on s'attache et celui qui a le don pour nous mettre les nerfs en pelotes en un rien de temps. Derrière chaque porte de chambre, une nouvelle personnalité à laquelle il va falloir s'adapter vite pour une meilleure prise en charge.
Ici, en exclusivité, je vous ai concocté un petit récapitulatif des différents profils de patients.
Le (trop) gentil : Il est tellement discret qu'on n'en oublie son existence. Il s'excuse dés qu'il vous adresse la parole, attend que vous passiez dans sa chambre pour vous demander le bassin, fait son lit le matin alors qu'il tient à peine debout, souffre en silence car il n'ose pas vous déranger. Il a une mère infirmière ou aide-soignante et l'a tellement entendue se plaindre de la surcharge de travail qu'il n'ose plus vous faire travailler du tout.Ce pauvre patient se retrouvera systématiquement récompensé de sa gentillesse à partager sa chambre avec celui que personne ne supporte. Normal c'est le seul à ne pas râler. Attention, le jour où vous entendez retentir la sonnette de la chambre du (trop) gentil, accourez immédiatement : c'est que vraiment ça ne va pas.
'insupportable : Il partage donc sa chambre avec le (trop) gentil. L'insupportable ne parle pas, il aboie. Il vous regarde de haut en bas quand vous entrez dans sa chambre cherchant quelle remarque acerbe il va bien pouvoir vous faire. il ne vous communiquera rien sur son état de santé préférant s'adresser aux médecins auxquels il fait des ronds de jambes dignes de ceux d'une danseuse étoile. Il vous appelle en moyenne toutes les 17 minutes pour : baisser un peu le store, relever un peu le store, monter le son de la TV, baisser le son de la TV, parce que les piles de la télécommande ne fonctionnent plus (ah donc il savait s'en servir ?), vous dire que c'est inadmissible qu'il n'y ait pas le wifi à l'hôpital, vous demander le menu du jour "qui de toute façon sera immangeable", vous demander un autre drap (car l'insupportable y renverse systématiquement son café. "Pas bon le café d'ailleurs") et... pour rien en fait il n'était plus sûr de savoir à quoi servait le bouton de la sonnette alors il a appuyé pour voir. L'insupportable empêche son voisin de se reposer, allume la grande lumière en pleine nuit quand il a besoin d'aller aux toilettes, regarde la tv (dont le (trop) gentil paye l'abonnement) jusqu'à 1h du matin. L'insupportable est le genre de patient qui un jour, sans prévenir, va fondre en larmes et vous confier toute sa détresse. Mais attention, il en sera tellement honteux qu'il mettra les bouchées doubles le lendemain pour vous énerver.
Le comique : Le comique n'a pas un physique avantageux, sa santé n'en parlons pas. Son sens de l'humour lui a permis de survivre dans cette société où l'image est reine. Le problème avec le comique c'est que vous ne savez pas si c'est du lard ou du cochon. Il hurle "aïe aïe aïe" dés que vous le touchez, mais impossible de savoir s'il a vraiment mal. Il s'aventure dans des jeux de mots hasardeux que vous avez du mal à suivre dés le milieu de votre journée de travail et vous regarde d'un oeil expectatif, attendant du répondant de votre part. Attention, le danger avec le comique c'est de se laisser aller à trop de familiarités. Gardez toujours en tête que le comique est extrêmement susceptible, ses blagues étant une maigre carapace à son grand manque de confiance en lui. Alors riez poliment et pesez vos mots si vous ne voulez pas le transformer en clown triste.
Le dépressif : Dés que vous entrez dans sa chambre, l'atmosphère qui s'y dégage pèse sur vos épaules comme 50 kg de plomb. Il vous regarde le sourire à l'envers, hausse les épaules à vos sollicitations, n'attends plus rien de vous ou des autres. Il répond systématiquement en penchant la tête du côté gauche "ça fait aller" quand vous lui demandez comment il va. Il rit jaune quand vous lui souhaitez un bon appétit. Sa dépression est souvent couplée à une grande anxiété, d'où ce TIC agaçant de claquer sa langue contre son palais à intervalles réguliers. Pour apaiser ses angoisses le dépressif a besoin d' énormément d'informations, savoir quels soins, quand, comment et pourquoi on va les lui faire. Il faut éviter autant que possible de perturber ses habitudes et respecter un planning à la lettre. Ses innombrables questions peuvent parfois vous peser sur le système, d'autant plus qu'il va falloir vous répéter souvent car les traitements psychotropes lui font perdre la mémoire. Avec lui, patience est le maître mot.
Le charmeur : commercial de profession, même sur un lit d'hôpital il ne peut s'empêcher de séduire...du moins d'essayer car le charmeur dont on parle ici est souvent le stéréotype du gros lourd de la drague. La tête bourrée de clichés sur les infirmières, il vous pense trop sotte pour voir son petit manège. Il a une fâcheuse tendance à confondre les IDE avec des masseuses "exotiques" et passe la journée torse-nu dans son lit, tentant de vous impressionner par ses biceps dessinés à la gonflette. Celui-là remettez le vite, poliment mais sûrement à sa place avant qu'il ne se transforme en harceleur.
Le régressif: Quand il est arrivé à l'hôpital il avait toute sa tête et toute son intégrité physique. Aussitôt après avoir franchi le pas de la porte de sa chambre, ce n'est plus le même homme, il a rajeuni...peut être un peu voire beaucoup trop. Le régressif ne prend plus sa douche si vous ne lui proposez pas, il ne pose aucune question sur ses traitements ou ses examens, c'est tout juste si vous ne devez pas lui tartiner son pain de beurre le matin. Le régressif est dans la vraie vie un hyperactif qui aime tout contrôler dans son domaine. Il a tellement tiré sur la corde que son corps l'a rappelé à l'ordre d'une manière ou d'une autre. Sortez le de son milieu et il est complètement perdu. Ce dont il a besoin : du repos, beaucoup de repos. Proposez lui de se faire apporter des bouchons d'oreilles et aidez le à définir ses priorités.
Le condescendant : le condescendant ne connait rien à votre profession, il pense que vous êtes devenue infirmière parce que votre faible niveau intellectuel ne vous permettait pas de faire grand chose d'autre et qu'au moins dans cette voie il y avait du boulot. Le condescendant vous explique en long, en large et en travers pourquoi l'hôpital va mal et comment vous devriez exercer votre métier pour pallier les problèmes d'organisation. Il vous demande trois fois de vérifier que vous n'êtes pas en train de vous tromper de traitements. Ne gaspillez pas votre énergie à tenter de prouver au condescendant que vous n'êtes pas la sotte qu'il croit, vous vous épuiseriez. Il est de toute manière bien trop auto-centré pour changer d'avis.
La pie voleuse : je la met au féminin car pour le coup c'est souvent une femme. La pie voleuse ne roule certes pas sur l'or mais elle n'est pas à plaindre non plus. L'avantage avec cette patiente, c'est que le ménage sera vite fait dans sa chambre le jour de sa sortie : des draps à la solution hydro alcoolique en passant par le pied de perfusion (pour faire un porte-manteau ?) et le bassin (mais...pourquoi ?) la pie voleuse a tout embarqué. Il y a un moyen de la reconnaitre : la pie voleuse se plaindra souvent de côtiser trop cher à la sécurité sociale aux vues des services rendus à l'hôpital. C'est sa manière à elle de récupérer son dû...sans penser une seconde qu'elle ne fait que participer à la dégradation du système de soins. Ouh la vilaine !