jeudi 10 janvier 2013

Les infirmiers ne sont pas des médecins ratés



Ou ces "compliments" qui nous assassinent






« Vous auriez pu faire médecine ! ». C’est ce que m’a dit l’un des médecins avec lesquels je travaille alors qu’elle me demandait mon avis sur la prise en charge d’une de ses amies malades.


Cinq mots qui me lacèrent l’estomac. Pour elle c’est un compliment, pour moi c’est comme si elle me crachait dessus, sur moi et toute ma profession. Oui Docteur j’aurai pu faire médecine, parce que je ne suis pas plus bête qu’une autre et que rien n’est insurmontable dans la vie. Mais non Docteur, si je n’ai pas fait ces études ce n’est pas parce que je ne m’en croyais pas capable, c’est parce que je ne le voulais pas. Ce que je voulais c’était être infirmière, aussi saugrenue que cette volonté puisse paraître à vos yeux.


Deux semaines plus tard, on parle de diarrhées et des risques de l’Ercéfuryl, entre le plat principal et le dessert. « Oh vraiment c’est dommage ! Vous auriez du faire médecine ! »  J’essaye de garder mon calme mais je sens déjà mes cheveux se hérisser sur mon crâne, comme si je n’étais déjà pas assez mal coiffée comme ça. Docteur connaissez-vous vraiment notre champ de compétence ? Ce sujet sur lequel on discute, en fait partie. C’est celui qui administre un médicament qui est responsable des conséquences de celui-ci. Un infirmier connait les propriétés et risques d’un traitement, c’est son métier. Il doit pouvoir les expliquer à son patient, il doit pouvoir en surveiller les effets indésirables, il doit pouvoir détecter une anomalie dans votre prescription.


Dix jours plus tard, ma doctoresse qui, je commence à le croire à un sérieux trouble de la mémoire me demande : «  Pourquoi vous n’avez pas fait médecine ? » Mais Docteur, pourquoi aurai-je du faire médecine si je voulais être infirmière ? J’aime ma profession. J’aime prendre en charge un patient de manière personnalisée, en prenant en compte sa personnalité, sa culture, son environnement. J’aime écouter, j’aime tenir la main. Je vous laisse diagnostiquer, laissez-moi prendre soin. La seule chose que j’envie aux médecins c’est leur salaire.


Une semaine plus tard on parle de vaccins, leurs risques, leur efficacité, etc. « Oh mais c’est épidémiologiste que vous auriez du être, pas infirmière ! ». Le métier a changé mais la teneur du discours est la même. Pourquoi ne peut-elle pas concevoir qu’on puisse vouloir être infirmier ? Est-ce si dégradant à ses yeux d’exercer cette profession ? Elle croit me passer de la pommade mais ne fait que m’insulter. Docteur, avec tout le respect que je vous dois, j’aurai peut-être pu être médecin, épidémiologiste ou je ne sais quoi d’autre, mais une chose est sûre, avec votre fibre psychologique aussi fine que les bras d’un déménageur, vous, vous n’auriez pas pu être infirmière.


Hier, de guerre lasse, quand, je ne sais plus à quel sujet, ma doctoresse a réitéré sur son histoire de médecin, je lui ai répondu : « Je préfère être infirmière, au moins les jours où je suis fatiguée et que je n’ai pas envie de réfléchir, personne ne me reprochera d’être idiote ». Ma réplique l’a bien fait rire et à mon grand désespoir, pour une fois, elle avait l’air d’être convaincue par ma réponse.




17 commentaires:

  1. Les capacités requises pour faire un bon médecins ne sont de mon point de vue pas distribuées dans la population de la même manière que les capacités pour faire un bon infirmier. On manque plus de médecin compétent que d'infirmiers compétent et c'est pour cela que de quelqu'un qui a les capacités de faire les deux, on eut espéré qu'elle fasse médecine.
    Pourquoi voir toujours le verre à moitié vide ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. parce que comme marcelle le dit si bien c'est insultant! notre métier c'est pas de la merde!

      Supprimer
  2. excellent. merci. (pas infirmière)

    RépondreSupprimer
  3. bravo! même combat par chez moi...encore ce matin, une patiente: vous auriez du faire médecin...
    oh que non!.
    Merci ma belle! ;-)

    RépondreSupprimer
  4. qu'est ce qu'ils doivent dire aux AS!!!
    déjà qu'ils fassent "bien" leur taf, car sans nous pauvres petite infirmières idiotes pour vérifier leur prescription il y aurait du monde en plus a la morgue!!

    RépondreSupprimer
  5. Bah, c'est exactement le même topo pour les EAS et les AS, à qui les ESI et les IDE ont l'habitude de rétorquer : "Tu devrais faire une formation d'infirmière", dénigrant par là-même, et de la plus semblable façon, le statut et le travail des aides-soignants, n'est-il pas ? Quelle que soit la profession dans ce milieu, il y en aura toujours pour s'estimer au-dessus des autres...
    "Vanité des vanités, tout n'est que vanité et poursuite du vent" (L'ecclésiaste).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n'est que trop vrai et ça me désole de voir combien l'on peut être prétentieux alors qu'on se croit bienveillant... Nous aussi les IDE, on a parfois besoin d'une mise au point !

      Supprimer
  6. Tout à fait d'accord avec toi Myrddhin, ça m'a toujours fais tiquer quand certaines IDE disent ça aux AS

    RépondreSupprimer
  7. tout a fait d'accord avec Myrddhin et je rajouterais combien d'ide on essayé medecine et on echoué ( moi le premier lol)

    RépondreSupprimer
  8. Léon, comment te situes-tu dans ta profession aujourd'hui ? Est-tu épanoui en tant qu'IDE ou regrettes tu de ne pas avoir continué médecine ?

    RépondreSupprimer
  9. as en retraite !!!! trop exact tout cela !!!!!!! ce n'est pas tout le monde qui ''joue'' à ça !!!!les gens qui le font ont ' eux ' un probleme !!!!!!!!
    J'ose penser que je pouvais tres surement essayer d'ête ide (j'ai le niveau bac ) mais j'ai choisi d'être as et ne l'ai jamais regretté !!!!!
    bon courage à vous tous et soyez heureux et epanouis d'être ce que vous êtes !!!!!!!!

    RépondreSupprimer
  10. A tous ceux qui m'appelle Docteur, car pour eux un homme ne peut pas être infirmier ; A tous ceux qui pensent que le métier d'infirmier est réduit au simple fait d'exécutant ; A tous ceux-là, je répond que le médecin soigne des maladies, mais que nous, infirmières et infirmiers, nous soignons des êtres humains dans toutes leurs complexité.

    RépondreSupprimer
  11. Je suis fière d'être infirmière mais suis aussi une ancienne AS, j'ai poursuivi mes études pour pouvoir mieux prendre en charge les patients et apporter du bien être et du réconfort aux gens.
    On me dit aussi que j'aurai pu faire médecine, ce que je ne prend pas comme une insulte car apparemment mes compétences et mes remarques semblent pertinentes et utiles dans mes prises en charges.
    Ce qui me désole le plus c'est des médecins qui ont le diplôme et qui sont incompétents et n'ont pas le respect du patient et du code de déontologie et exercent impunément.
    Le plus beau cadeau que je reçois chaque jour c'est le sourire et le remerciement de mes patients pour les soins que je leur apporte.

    RépondreSupprimer
  12. J'aime beaucoup ta conclusion ! Et ce type de remarque prouve bien comme le métier d'infirmier(e) est inssaisissable tellement il nous pousse à être polyvalent(e)s, ça en perturbe beaucoup, mais c'est bien le cas ! Entre savoir intellectuel, savoir faire et savoir être, ces trois catégories élargies à toute un champ de compétences nécessaires... (Jetons des fleurs, elles sont pas chères, même si ça ne remplace pas le salaire)
    Pour parler plus sérieusement il y a un grand écart entre la formation médicale qui pousse à l'hyperspécialisation et la formation infirmière où on nous demande une vision globale du patient, et il faudrait "savoir(s)" dans tous les domaines...

    RépondreSupprimer
  13. "- Vous auriez pu faire médecine!
    - Oh oui, j'aurai pu, mais bon, pour avoir mon diplôme d'IDE, ça aurait été beaucoup moins pratique du coup"

    RépondreSupprimer
  14. "- Vous auriez pu faire médecine!
    - Oh oui, j'aurais pu, mais pour avoir mon diplôme d'infirmière, ça aurait été beaucoup moins pratique du coup..."

    RépondreSupprimer
  15. C'est promis quand je serai médecin je ne ferai jamais de réflexions de ce genre à une infirmière !

    RépondreSupprimer

Ne soyez pas timide, exprimez-vous !