Traiter ou bien traiter ?
Je me pose souvent la question sur l'intérêt de soumettre les personnes
âgées diabétiques au régime pauvre en glucides. D’autant plus quand ces
personnes souffrent déjà de multiples pathologies entravant tant leur autonomie
et qualité de vie, qu’elles se retrouvent à n’avoir d’autre choix que de
terminer leurs jours en maison de retraite médicalisée (EHPAD).
Imaginez-vous - même
si personne n’a envie d’imaginez cela - vieillissant,
à moitié sourd et aveugle, enfermé dans un corps raide et douloureux, des fonctions cognitives
ne vous permettant plus de grandes distractions. Imaginez-vous avoir besoin d’aide
pour vous laver, vous changer, manger… Je vous entends déjà vous écrier : « j’espère
mourir avant d’en arriver là ! »
Aujourd’hui, vous n’avez pas encore ce choix sur votre
propre vie. Vous ferez peut-être partie
des « chanceux » nonagénaires, voire centenaires, maintenus en état
de vie (cœur qui bat, cerveau plus ou moins irrigué) grâce à de savants
cocktails palliant vos insuffisances veineuses, cardiaque, respiratoire et
rénale, votre anémie, votre hypertension… Cocktail explosif professionnellement
pilé et mélangé dans votre yaourt … sans sucre le yaourt, il ne faudrait pas
aggraver le diabète !
Votre vie sera rythmée par l’instillation de
collyres préservant le dixième de vue qu’il vous restera et la pose d’un patch qui
vous permettra dans l’obscurité de ne pas oublier trop vite si nous sommes le
matin ou la nuit. D’avoir encore un soupçon de lucidité sur votre condition.
Je noircis un peu le tableau, certains n’accumulent pas
toutes ces complications liées à l’âge, mais d’autres si.
Chez les personnes très âgées, le goût et donc l’appétit
diminuent aussi petit à petit. La seule saveur qui reste bien présente c’est le
sucré. Le seul plaisir qui leur reste parfois c’est une bonne part de gâteau.
Alors quand Arlette, diabétique, Alzheimer et insuffisante
cardiaque, coincée en unité protégée, hurlant du matin au soir « laissez-moi
mourir ! » dans l’indifférence totale tant le tableau est devenu tristement banale, pleure pour avoir comme tous
ses compagnons de fortune, un morceau de
fondant au chocolat au dessert que la sacro-sainte prescription médicale ne lui
autorise pas, c’est sans scrupule que je commets une grave faute
professionnelle : je lui en tends une belle part.