Hier la cour d'appel administrative de Bordeaux a condamné un hôpital psychiatrique de Gironde pour avoir interdit à ses patients d'avoir des rapports sexuels.
Un événement qui n'est pas tombé dans les oreilles d'une sourde, m'étant heurtée moi-même il y a quelques années à tous les hôpitaux et cliniques psychiatriques de Paris, à l'exception d'un, alors que je faisais des recherches sur la prévention des infections sexuellement transmissibles en psychiatrie.
La sexualité en psychiatrie est un sujet tabou
Premier constat, la sexualité en secteur psychiatrique dérange. Il ne faut pas en parler, faire comme si elle n'existait pas. Seul un cadre de santé a accepté de me recevoir sur tout Paris pour interroger ses équipes à ce sujet. Vieux restes de pudibonderie de notre lourd passé de nonnes ? Fantasmes sur une sexualité débridé du "fou"? Infantilisation ?
La réponse la plus courante et la plus spontanée quand j'évoquais le sujet avec les infirmières était "que l'hôpital était fait pour se soigner et pas pour ça". Ce ça plein de pudeur parlait de lui même. La sexualité en psychiatrie est un sujet tabou.
Fermer les yeux plutôt que d'en parler.
Deuxième constat, fortes de cet argument , les équipes ne se sentaient pas alors spécialement concernées par ce sujet. L'hôpital n'est pas un lieu de vie me disaient t-elles. Pourtant, certains patients sont là depuis des mois, voire des années. Peut-on leur refuser ce besoin naturel ? Et quid de notre mission de santé publique ? En admettant que l'hôpital ne soit pas l'endroit où avoir des relations sexuelles, ne peut-on pas profiter du séjour d'un patient à la personnalité vulnérable pour faire de la prévention sur ce sujet ? Notre but n'est t-il pas de rendre notre patient autonome à son retour à domicile ?
Le rôle infirmier dans l'autonomie sexuelle des patients
on désigne par autonomie sexuelle le fait de savoir se protéger physiquement, savoir dire non, reconnaître ses désirs et ses limites. Nombres de pathologies mentales mettent à mal cette autonomie sexuelle. Pourtant cette dimension n'est que trop rarement (voire jamais ?) prise en compte dans le parcours de soins infirmiers. Résultat : on retrouve un taux d'infections sexuellement transmissibles, d'agressions sexuelles et de viols supérieur chez cette population que dans la population générale.
"Autoriser" les rapports sexuels en milieu psychiatrique, une question de responsabilité
Troisième constat : les infirmiers ont peur des dérives. Tous ont eu une mauvaise expérience en rapport avec la sexualité des patients. Un grand nombre relate des cas de prostitution en échange de cigarettes, des cas de rapports non consentis chez des patientes incapables de dire non, des cas de grossesses non désirées.
Les infirmiers semblent craindre de passer à côté de situations problématiques et d'en être tenus pour responsables.
Une obligation à la prévention pour un droit à la sexualité sans danger
Il ne me paraît pas correct d'interdire les rapports sexuels en psychiatrie. Comme l'a rappelé la cours administrative d'appel de Bordeaux, le droit à la sexualité fait partie intégrante de la convention européenne des Droits de l'homme.
Cependant, après mes recherches je pense que la question mériterait d'être un peu plus approfondie par les autorités de la santé. Condamner sans se pencher sur les réels problèmes de fond et sans rien proposer en retour ne sert à rien.
La responsabilité de chacun, soignants et patients doit être clairement définie.
La prévention des infections sexuellement transmissibles doit être personnalisée et obligatoire. Distribuer des préservatifs entre deux portes, au bon vouloir des soignants et de la direction n'est pas suffisant dans ce secteur.
De même, des formations doivent être mises en place pour les soignants afin d'accompagner de manière individualisée chaque patient vers une autonomie sexuelle.
Idem pour les prisons...
RépondreSupprimerJ'imagine... Et maisons de retraite, foyers pour handicapés
RépondreSupprimerJe bosse en psychiatrie, et je ne vois pas vraiment pourquoi administration hospitalière interdirait les rapports sexuels entre patients. Bien que nous leurs demandions que çà n'est pas lieu dans le service, nous savons que çà arrive, il faut dire que la sexualité d'un schizo est malheureusement anarchique et en échange d'autre chose... mais c'est comme la cigarette, l'alcool au sein des services, on ne peut pas y faire grand chose, si ce n'est de leur dire d'être bien prudent et de se protéger! Il y a même un distributeur de capotes à la cafet des patients...Aller contre un besoin naturel et essentiel à un certain équilibre c'est de l'anti-soin! Encore une fois merci à nos chères administrations qui ont tout compris des patients, qui ne les écoutent pas, ne les cotoient pas au quotidien mais sont là pour les brider et nous faire faire des papiers au lieu de passer du temps en activités ou entretiens! Merci!
RépondreSupprimernous espérons faire bouger les lignes par la formation "sexualité et handicap"... ISP sur Nnacy, j'ai été "formé" il y à peu et nous sommes avec des collègues en train de nous organiser pour faire évoluer la situation et en parler, échanger avec les patients sur un sujet qui n'est traité nulle part.
RépondreSupprimerCe n'est pas tout à fait vrai que la cour d'appel a "condamné un hôpital psychiatrique de Gironde pour avoir interdit à ses patients d'avoir des rapports sexuels." : c'est l'existence d'un règlement intérieur qui l'interdisait par principe et en général, qui a été condamné.
RépondreSupprimerComme le dit d'ailleurs l'article que vous avez mis en lien : « le règlement de fonctionnement de l'unité "interdisait à tous les patients d'avoir entre eux des relations sexuelles", insiste la cour, pour qui cette interdiction, "qui s'imposait à tous les patients de l'unité", quelle que soit la pathologie, sa gravité où la durée du séjour, "présentait un caractère général et absolu".»
Cette décision n'empêche pas que soit interdit à tel ou tel patient d'avoir des relations sexuelles. Y compris à chacun des patients présents dans une unité.
C'est du moins ce que je comprends de cet arrêt.
Ce n'est pas tout à fait vrai que la cour d'appel a "condamné un hôpital psychiatrique de Gironde pour avoir interdit à ses patients d'avoir des rapports sexuels." : c'est l'existence d'un règlement intérieur qui l'interdisait par principe et en général, qui a été condamné.
RépondreSupprimerComme le dit d'ailleurs l'article que vous avez mis en lien : « le règlement de fonctionnement de l'unité "interdisait à tous les patients d'avoir entre eux des relations sexuelles", insiste la cour, pour qui cette interdiction, "qui s'imposait à tous les patients de l'unité", quelle que soit la pathologie, sa gravité où la durée du séjour, "présentait un caractère général et absolu".»
Cette décision n'empêche pas que soit interdit à tel ou tel patient d'avoir des relations sexuelles. Y compris à chacun des patients présents dans une unité.
C'est du moins ce que je comprends de cet arrêt.
Sans parler de prévention (et encore...), se pose aussi encore et toujours la même question en EHPAD. Il n'y a pas la même problématique "légale", mais toujours un tabou...
RépondreSupprimermalgré ça il y a toujours un danger sur la santé des patients, surtout la presence et (le developpement) des maladies sexuellement transmissibles ce qui necessite une prévention efficace .....!!!
RépondreSupprimerhttp://infirmier-freedom.blogspot.com/2013/12/conseils-pour-eviter-les-mst-sida.html
Oui et le tabou est un véritable frein à la mise en place de mesures de prévention.
RépondreSupprimerBonjour, je suis infirmière, je travaille en psychiatrie du sujet âgé (+ de 65 ans) et je souhaite faire un travail de recherche, sur la sexualité de cette population, et le regard des soignants. Si vous avez des pistes de recherches ou des réflexions, je suis preneuse. merci d'avance
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